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Lettre d’information franco-allemande 30 Juin 2016

Lettre d’information franco-allemande | Février 2016

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Par le biais de cette Lettre d’information bilingue, nous souhaitons vous tenir informés de l’actualité juridique et  scale allemande et française. Cette Lettre est rédigée par l’Équipe franco-allemande de GGV qui a pour vocation de conseiller les entreprises françaises et venant de pays francophones sur le marché allemand, et les entreprises allemandes et de pays germanophones sur le marché français.

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Loi de finances pour 2016 et loi de finances rectificative pour 2015

Le législateur français, s’il n’augmente globalement pas la charge fiscale des entreprises et des particuliers, met en place des dispositifs destinés à améliorer les contrôles de l’administration fiscale ou encore à harmoniser le droit national avec les conventions internationales.

Fiscalité des personnes physiques : Depuis le 31.12.2015, la France met en œuvre dans son droit interne la norme commune de déclaration permettant l’échange automatique d’informations. Les institutions financières doivent identifier et collecter différentes informations sur leurs clients. Les données (numéro de compte, d’assurance-vie, soldes des comptes) afférentes aux clients résidents de pays parties à cet accord seront transmises  automatiquement à l’administration de l’Etat de résidence des titulaires.

Fiscalité immobilière : Un droit d’enregistrement additionnel de 0,6 % sur certaines ventes de bureaux en Ile de France s’applique depuis le 1.1.2016. Son assiette est identique aux autres droits d’enregistrement.

Le taux global des droits d’enregistrement relatif à l’acquisition d’un immeuble à Paris est ainsi passé de 5,09 % à 5,81 % à compter du 1.1.2016. Le taux applicable à Paris vient donc s’aligner sur celui déjà applicable dans la plupart des autres départements.

Fiscalité des entreprises : La loi de finances rectificative transpose une clause anti-abus contraignante introduite par la directive relative aux distributions réalisées entre sociétés mères et filiales.

Cette clause va permettre la remise en cause du bénéfice du régime mère fille, en cas de montage ayant pour objectif principal l’obtention d’exonérations contrairement à la finalité du régime. La nouveauté de ce texte est de rendre la clause anti-abus applicable non seulement à l’investisseur résidant hors de l’Union, mais également à celui qui y réside. Ainsi, cette clause pourrait par exemple s’appliquer lorsque l’investisseur final est une entité exonérée d’impôt sur les sociétés, quel que soit le pays de son siège et qui, selon une jurisprudence récente du Conseil d’Etat, ne pourrait plus se prévaloir des avantages conventionnels.

Les distributions à l’intérieur d’un groupe fiscal sont désormais imposées sur une quote-part de frais et charges de 1 %, alors qu’elles étaient exonérées auparavant. Cette imposition s’applique aussi aux dividendes de filiales européennes détenues à au moins 95 %. En revanche, la quote-part de frais et charges de 5 % reste applicable aux distributions entre sociétés françaises non intégrées et aux distributions faites par des filiales européennes détenues à moins de 95 %.

La France met en œuvre l’action n° 13 du plan BEPS en créant une obligation déclarative d’informations pays par pays (« country by country reporting »), qui devra faire l’objet d’un échange automatique entre les Etats. Sont notamment soumises à cette obligation les entreprises détenues par des entités établies dans un Etat qui ne participe pas à l’échange automatique des déclarations pays par pays et qui génèrent un chiffre d’affaires consolidé d’au moins 750 millions d’euros. Un futur décret déterminera si l’Allemagne est considérée comme participant à l’échange automatique ou non.


Responsabilité et révocation des dirigeants

La Cour de cassation a eu récemment l’occasion de rappeler, par deux décisions, les conditions dans lesquelles un dirigeant peut voir sa responsabilité à l’égard des tiers engagée, et celles dans lesquelles il peut se voir révoqué de ses fonctions.

La responsabilité des dirigeants à l’égard des tiers n’est engagée que lorsqu’ils ont commis une faute détachable de leurs fonctions et qui leur est personnellement imputable. Dans un arrêt du 10.11.2015, la Cour de cassation a jugé qu’en agissant dans un seul but d’enrichissement personnel, sans lien avec l’objet ou l’intérêt social de la société, le dirigeant commet une faute intentionnelle d’une particulière gravité. De tels agissements, incompatibles avec l’exercice normal des fonctions de dirigeant, justifient en conséquence la mise en cause de sa responsabilité à l’égard des tiers.

Dans une autre affaire, la Cour de cassation a précisé par un arrêt du 13.10.2015, que les agissements fautifs du mandataire social d’une filiale peuvent justifier la révocation de ses fonctions de mandataire social dans la holding du groupe, bien qu’il s’agisse d’entités distinctes.

En l’espèce, les agissements du dirigeant de la filiale avaient eu des répercussions négatives sur le groupe. La Cour de cassation a retenu qu’un groupe de sociétés concourt à la réalisation d’un objectif commun. Dès lors, les répercussions des agissements du dirigeant au sein de la filiale suffisent à entraîner la perte de confiance des autres entités du groupe à son égard et notamment de la holding. Ainsi, la révocation de ses mandats sociaux au sein des autres entités du groupe était justifiée.


Revirement de jurisprudence en matière d’obligation de sécurité

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité, en vertu de laquelle il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Cette obligation, depuis les arrêts amiante de 2002, était considérée comme une obligation de résultat, dont l’employeur ne pouvait s’exonérer qu’en cas de force majeure. Dans un arrêt du 25.11.2015, la Cour de cassation a infléchi sa jurisprudence en énonçant que l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention de la santé et de la sécurité de ses salariés ne contrevient pas à l’obligation de sécurité.

L’obligation de sécurité qui incombe à l’employeur lui impose de prévenir les risques pour la santé et la sécurité de ses salariés, de les former et de les informer aux risques, et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés, dans le respect des principes généraux de la prévention. En d’autres termes, l’obligation de sécurité impose à l’employeur la mise en place d’un programme de compliance en matière de santé et sécurité des salariés.

En décidant, en 2002, que cette obligation de sécurité était une obligation de résultat, la Cour de cassation était parvenue à assurer une protection absolue aux salariés, l’employeur ne pouvant s’exonérer de cette obligation en prouvant son absence de fautes ou en prouvant avoir pris toutes les mesures préventives adéquates. Seule la force majeure était susceptible d’exonérer l’employeur.

Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation, dans son arrêt du 25.11.2015, décide que l’employeur peut désormais s’exonérer de sa responsabilité en démontrant avoir adopté une démarche de prévention des risques. Cette décision a le mérite de remettre à l’honneur et d’encourager les efforts de prévention des employeurs. Néanmoins, l’obligation de sécurité, si elle n’est plus une obligation de résultat, n’en demeure pas moins une obligation de moyens renforcés. Les employeurs ne pourront donc s’en exonérer qu’en démontrant avoir pris toutes les mesures prévues par le code du travail en matière de prévention des risques pour la santé et la sécurité des salariés.


De l’importance de la formation des salariés

Dans un arrêt du 24.9.2015, la Cour de cassation rappelle une nouvelle fois l’obligation de l’employeur de veiller à l’employabilité de ses salariés. Cet arrêt s’inscrit dans une démarche globale, qui se traduit également par l’obligation de mener tous les 2 ans avec chaque salarié un entretien professionnel. Rappelons que pour les salariés qui étaient en poste à la date du 7.3.2014, cet entretien qui devra avoir lieu au plus tard le 7.3.2016.

L’article L.6331-1 du Code du Travail impose à l’employeur d’ « assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail », et de « veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations ».

Pour ce faire, l’article rappelle que l’employeur peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme.

C’est sur ce fondement que, dans un arrêt du 24.9.2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de Cour d’appel ayant condamné un employeur à verser € 5.000 de dommages-intérêts à un salarié, au motif que ce dernier n’avait bénéficié que d’un stage de formation d’une journée au cours de ses 16 années de présence dans l’entreprise.

Il est à noter qu’un arrêt similaire avait déjà été rendu le 7.5.2014, confirmant l’arrêt d’appel ayant octroyé € 6.000 de dommages-intérêts à un salarié qui n’avait bénéficié d’aucune formation en 7 ans.

Nous conseillons donc aux employeurs d’être particulièrement vigilants sur cette question, étant rappelé que l’obligation de veiller à l’employabilité des salariés, dont l’initiative incombe à l’employeur, va bien au-delà d’une simple adaptation des salariés à leur poste de travail.

L’entretien professionnel biannuel instauré par la Loi « formation » du 5.3.2014 à l’article L.6315-1 du Code du Travail devrait être une excellente occasion pour les employeurs d’évoquer avec chaque salarié ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi.

Rappelons que cet entretien, qui concerne toutes les entreprises, quels que soient leurs effectifs, doit avoir lieu tous les deux ans. Pour les salariés qui étaient en poste à la date de l’entrée en vigueur de la loi, cet entretien doit avoir lieu au plus tard le 7.3.2016. Des sanctions pécuniaires sont prévues à défaut d’organisation de ces entretiens.

Rappelons également que chaque salarié doit être informé, lors de son embauche, qu’il bénéficiera tous les deux ans de cet entretien professionnel.


L’action directe de la victime contre un assureur en matière internationale

Revirement de jurisprudence de la Cour de cassation dans un arrêt du 9.9.2015 : la loi permettant de déterminer l’applicabilité de l’action directe contre un assureur n’est pas la loi du lieu du fait dommageable mais est, aux choix de la victime, celle du contrat qu’elle a conclu ou celle du contrat d’assurance. 

Dans cette affaire, un incendie survenu en France avait occasionné la destruction d’un camion. Soutenant qu’une réparation effectuée en Allemagne était à l’origine du dommage, les victimes françaises ont intenté une action directe contre l’assureur du garage, établi en Allemagne, devant un juge français.

Dans un arrêt du 20.12.2000, la Cour de cassation avait eu jugé que l’action directe de la victime était régie par la loi du lieu où s’est produit le fait dommageable.

Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de Cassation, dans son arrêt du 9.9.2015, énonce que l’action directe de la victime, à l’encontre de l’assureur de la personne devant réparation, est possible si la loi applicable à l’obligation contractuelle, ici le contrat de réparation du camion, ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit.

Ce double critère de rattachement est favorable à la victime qui a d’autant plus de chances d’agir directement contre l’assureur de la personne responsable.


Résiliation abusive et responsabilité envers un tiers

Dans un arrêt du 20.10.2015, la Cour de cassation réaffirme qu’un tiers peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, si celui-ci lui cause un dommage.

Dans cette affaire, un franchiseur avait conclu un contrat avec un franchisé, géré par deux associés. Le franchiseur, reprochant le comportant d’un des associés, avait par la suite résilié le contrat alors que l’associé visé par les reproches du franchiseur était devenu, préalablement à la résiliation, bénéficiaire d’une promesse d’achat de ses parts sociales souscrite par son coassocié.

Par un arrêt définitif du 25.6.1999, la résiliation du contrat avait été prononcée au tort du franchiseur, aux motifs qu’aucun manquement contractuel du franchisé n’était justifié.

La nullité de la promesse d’achat des parts sociales avait également été prononcée par un arrêt du 4.3.1999 en raison de l’erreur du coassocié promettant, celui-ci s’étant engagé dans l’ignorance des faits reprochés par le franchiseur à l’associé bénéficiaire de la promesse d’achat pour résilier le contrat.

Prenant acte de la résiliation du contrat au tort du franchiseur, la Cour d’appel avait condamné le franchiseur au paiement de dommages et intérêts à l’associé bénéficiaire de la promesse d’achat, car cette faute du franchiseur lui avait fait perdre le bénéfice du prix de cession de ses parts sociales.

La Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel en réaffirmant le principe selon lequel la faute commise dans l’exécution du contrat est susceptible d’engager la responsabilité délictuelle de son auteur à l’égard des tiers en vertu de l’article 1382 du Code civil.

La haute juridiction rappelle que l’absence de faute de nature délictuelle du franchiseur dans les rapports entretenus avec les associés du franchisé, tiers au contrat, n’était pas de nature à exclure que le manquement contractuel du franchiseur envers le franchisé puisse être la source d’un préjudice pour eux.

Les magistrats confirment la condamnation du franchiseur au paiement de € 500.000 de dommages et intérêts à l’associé bénéficiaire de la promesse d’achat.

Cet arrêt est intéressant, en ce qu’il montre qu’une résiliation abusive de contrat peut avoir des conséquences au-delà des relations entre les parties et peut se révéler coûteuse pour l’auteur de la rupture.


Les effets juridiques de la cession d’un bail commercial en cas de manquement du cédant

En cas de cession d’un bail commercial, le cessionnaire est tenu de respecter les stipulations du bail précédemment conclue par le bailleur et le cédant. En cas de manquements du cédant, le bailleur ne peut à priori s’en prévaloir vis-à-vis du cessionnaire, sauf si ces manquements perdurent.

En cas de cession d’un bail commercial, le bailleur ne peut se prévaloir à l’encontre du cessionnaire des manquements précédemment commis par le cédant. Le cessionnaire est en effet seulement engagé à respecter ses obligations découlant du bail commercial et des dispositions légales applicables.

La situation est toutefois différente lorsque les manquements du cédant se poursuivent après la cession du bail commercial.

Par un arrêt en date du 8.10.2015, la Cour de cassation a eu l’occasion de le préciser.

Dans l’affaire en question, le cédant avait transformé les locaux loués, sans autorisation préalable du bailleur. Suite à la cession du bail, le bailleur avait demandé au cessionnaire de remettre les locaux loués dans leur état d’origine, au moyen d’une mise en demeure visant la clause résolutoire. Le cessionnaire ne s’était pas exécuté.

La Cour de cassation a jugé qu’en cas de poursuite d’un manquement suivant la cession du bail, il incombe au cessionnaire d’y mettre un terme.

Il est donc fortement conseillé de se renseigner précédemment à la cession d’un bail commercial sur l’existence d’une situation conflictuelle entre le cédant et le bailleur. En cas de manquements du cédant, le cessionnaire sera bien avisé d’en évaluer les risques avant la conclusion de la cession.


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Nécessité d’adaptation des règles de bonus en raison des changements de positions dans les comptes de profits et pertes

Le 23.7.2015 la Loi de transposition de la directive comptable (Bilanzrichtlinien-umsetzungsgesetz – BilRUG) est entrée en vigueur. Une importante innovation concerne le terme « chiffre d’affaires » de l’art. 277 du Code de commerce allemand qui a été redéfini et sensiblement élargi.

Jusqu’à maintenant, les profits provenant de la vente ou de la location et du bail de produits, marchandises ainsi que des prestations de services devaient figurer dans le compte de profits et pertes en tant que chiffre d’affaires s’ils étaient typiques de l’activité ordinaire de la société. Selon la refonte, le critère de l’activité ordinaire a été supprimé, de sorte que les profits susmentionnés apparaissent désormais toujours dans la catégorie du chiffre d’affaires. On parvient ainsi à un élargissement significatif des positions englobées par ce terme – au détriment de la position des autres produits d’exploitation. En outre, les positions du résultat exceptionnel  et du résultat provenant des activités ordinaires de la société ont également été supprimées.

La nouvelle version de calcul des comptes de profits et pertes doit également, généralement en début d’année, être prise en considération lors de la détermination des objectifs en fonction du chiffre d’affaires, pour les gérants par ex.,. Il est conseillé d’adapter les contrats existants ayant une réglementation de bonus basée sur l’atteinte d’un certain chiffre d’affaires . Ainsi, les parties sont juridiquement certaines que le calcul s’effectue selon la nouvelle définition. Par ailleurs, d’autres calculs pénibles pour réajustement conformément à la nouvelle définition seront ainsi évités.


Possibilité de recours contre l‘échange d’informations entre les administrations fiscales en Allemagne et à l’étranger

Le Tribunal fiscal de Cologne a restreint l’échange transfrontalier de données. La demande de renseignement d’une administration fiscale est illégale, si elle n’a pour but que d’enquêter sur le contribuable.

Des accords bilatéraux comme les conventions fiscales permettent depuis longtemps, sous certaines conditions, à l’administration fiscale d’un État d’adresser une demande de renseignement à celle d’un autre État. Une telle demande peut être motivée par le fait que, lors d’un contrôle fiscal de l’entreprise d’un groupe international, le fisc soupçonne des opérations fiscalement pertinentes chez une société du groupe à l’étranger.

Sur la base de la Directive européenne relative à l’assistance administrative en matière fiscale transposée en droit interne, une demande de renseignement à d’autres États membres de l’UE est autorisée. La loi d’application allemande permet aussi l’échange d’informations en matière de droit de successions, un domaine où peu de conventions fiscales existent. En plus, l’échange automatique de renseignement relatifs aux comptes financiers de l’OCDE (depuis 2014) et des conventions bilatérales telles que la FATCA (États-Unis – initiée en 2010) servent, après transposition en droit interne, de fondement juridique pour des échanges de renseignement d’un État à un autre sur les données d’un contribuable.

Le contribuable doit tolérer cet échange si la demande a été déposée légalement et a pour but de permettre une imposition correcte. Cela n’est cependant pas toujours le cas : Si par contre, les demandes de renseignement sont utilisées pour obtenir des informations concernant la structure, les activités, les fonctions ou la rémunération d’une entreprise ou d’un groupe sans raison concrète, le contribuable peut s’y opposer par une procédure en référé.

Le Tribunal fiscal de Cologne en a décidé ainsi dans sa décision du 7.9.2015 (référence : 2 V 1375/15). Dans le cadre d’une soi-disant « Fishing Expedition », la demanderesse devait être sondée,  dans le cadre d’une coopération transnationale, par des demandes de renseignement, sans qu’il n’y ait d’indices pour un impact fiscal. Alors que dans le passé une protection juridique contre des demandes de renseignement n’était toujours accordée que de manière très prudente, le Tribunal fiscal de Cologne a clairement constaté une violation du secret fiscal et accordé la protection juridique demandée.

Vu le nombre de conventions conclues en matière d’échange de données fiscales – confidentielles – des contribuables individuels ou des entreprises, il convient d’examiner en détail si la demande de renseignement reçue de l’étranger est bien fondée et donc légale. Concernant l’échange automatique d’informations sur des contrats de banque ou d’assurance à l’étranger, nous rappelons notre lettre d’information 10/2015.


Indemnité de rupture de contrat d’un salarié – l’optimisation de nouveau possible

Un jugement restreint les accords entre les administrations fiscales qui diffèrent des règles prévues dans la convention fiscale en cas de paiements d’indemnités.

Les tribunaux fiscaux allemands se sont souvent posé la question de savoir quel droit d’imposition était applicable lorsqu’une indemnité est versée à un salarié cessant son activité dans un autre État. Par décision du 10.6.2015, référence I R 79/13, le Bundesfinanzhof (BFH = juridiction suprême allemande dans le domaine des impôts) a refusé une nouvelle tentative de l’administration fiscale d’ignorer les accords internationaux existants.

Le cas typique est celui d’un salarié résidant et travaillant en Allemagne qui convient avec son employeur de mettre fin à sa relation de travail, par ex. au 30.9.2015. Il est libéré de son obligation de travail et part à l’étranger le 1.9.2015. Le paiement de l’indemnité en compensation de la perte de l’emploi est effectué le 30.9.2015.

Si le pays dans lequel le salarié s’est installé est un État avec lequel l’Allemagne a signé une convention destinée à éviter la double imposition selon le modèle de l’OCDE, l’indemnité peut alors uniquement être soumise à l’impôt de l’État où se trouve le salarié au moment du versement de l’indemnité. Dans le cas présent, l’imposition en Allemagne serait donc exclue.

Cette réglementation permet une marge de manœuvre fiscale. Des versements de salaire courants peuvent partiellement être transformés en indemnités, et vice-versa, des montants originairement prévus par l’employeur comme indemnités peuvent être qualifiés de versements de salaire. En résumé, avec une optimisation préalable, on peut choisir dans quel État, (en Allemagne ou dans l’autre État), l’indemnité est imposée, selon les avantages fiscaux résultant pour le salarié de la situation concrète dans laquelle il se trouve.

L’administration fiscale allemande se méfie depuis longtemps de ce résultat. Bien que cela soit en parfait accord avec les traités internationaux, le fisc allemand essaie d’aboutir à l’imposition souhaitée de manière unilatérale par décret d’application, dernièrement en concluant des accords de consultations avec des pays voisins amis tels que la Belgique, la Grande-Bretagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche ou la Suisse, dans lesquels d’autres droits d’imposition que ceux prévus selon la convention en vigueur sont prévus. (dit Treaty-Override).

De tels projets ont été rejetés à plusieurs reprises par le BFH, notamment par la récente décision citée ci-haut.

Il reste possible d’influencer les conséquences fiscales en prévoyant de manière réfléchie la conclusion de la convention de départ ou en choisissant le moment optimal de changement de domicile prévu de toutes façons par l’expatrié. Cela n’est évidemment possible que lorsque les mesures prises (convention de départ, changement du centre de ses intérêts vitaux) font l’objet d’un concept fiscal solide. Sinon l’administration fiscale réagira au cas par cas de manière plus sévère en faisant valoir une conception abusive (Art. 42 AO – livre des procédures fiscales allemandes)

Toutefois, selon la convention fiscale franco-allemande, l’indemnité de départ est toujours imposée dans l’État de l’employeur, de sorte qu’une optimisation nécessite un transfert de domicile vers un pays tiers ; à cet égard nous rappelons notre lettre d’information 1/2014.


Le formalisme allemand en matière de déduction de la TVA en amont

Prudence lors de la déduction de la TVA en amont : il est important de veiller à ce que toutes les mentions obligatoires soient inclues dans chaque facture ou que celle-ci fasse référence à un document contenant les informations nécessaires.

Des entreprises avec un chiffre d’affaires soumis à la TVA considèrent volontiers ces impôts comme des « postes de passage », car les impôts compris dans les factures seront remboursés en tant que taxe déductible. Cependant il faut bien veiller à ce que les dix critères conformes à l’art. 14, al. 4 de la Loi allemande relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (UStG) soient respectés pour que la déductibilité de la TVA soit autorisée. En dépit d’une réglementation européenne uniforme, un 11ème critère est essentiel pour le fisc allemand : la langue officielle est l’allemand. Si la prestation est décrite en anglais, par ex. « Senior Advisor Consulting Service », la nature de la prestation n’est pas suffisamment claire pour le fisc allemand et, par conséquent, la déductibilité sera souvent refusée lors d’un contrôle fiscal. Dans ce cas, la récupération de la TVA n’est possible qu’ultérieurement, après réception d’une facture corrigée.

Par ailleurs, la facture doit comporter les noms et adresses complètes du vendeur et de l’acheteur ; seule la forme juridique peut être abrégée (par ex. SARL). Pour cette raison, il est conseillé de choisir une dénomination sociale courte afin d’éviter le risque que l’émetteur de la facture ne l’abrège, ce qui pourrait poser un problème pour la déduction de la TVA en amont : – par exemple au lieu de « Karl-Heinz Müller Weltweite Dienstleistungen GmbH & Co. KG », mieux vaut « KHM Dienste GmbH & Co. KG ».

Si une entreprise bénéficie de prestations de façon constante, il faut vérifier chaque année, si les mentions obligatoires sont encore exactes. Des factures de loyer avec option pour la TVA ne sont pas souvent émises par le bailleur, mais plutôt par un syndic. Par conséquent, il est absolument nécessaire pour la déduction de la TVA qu’une facture permanente du bailleur existe avec toutes les mentions requises, entre autre le numéro fiscal (Steuernummer) ou le numéro d’identification à la TVA.


Participation au conseil de surveillance – faut-il compter les employés étrangers dans les valeurs-seuils ?

La jurisprudence n’est pas unanime en ce qui concerne la prise en compte des employés des filiales étrangères pour la détermination de la taille du conseil de surveillance.

Dans notre édition de mai 2015, page 10, nous avons déjà relaté le cas de la Deutsche Börse AG, où le Tribunal de grande instance de Francfort-sur-le-Main voulait prendre en compte non seulement les employés en Allemagne, mais aussi les employés des filiales européennes, pour déterminer le nombre de membres du conseil de surveillance de la société. Cela signifiait concrètement que la Deutsche Börse AG n’était pas uniquement soumise à une participation d’un tiers mais aussi à une codétermination paritaire du conseil de surveillance.

En cours d’année, d’autres jugements portant sur la même question ont été prononcés. En majorité, les tribunaux sont d’avis que les employés des filiales étrangères ne doivent pas être pris en compte, car le principe territorial de droit international interdit fondamentalement à un employeur allemand d’accorder des droits à des employés dans d’autres États de l’Union européenne et par conséquent d’intervenir dans la compétence législative desdits États. Ainsi, il est interdit d’associer l’élection du conseil de surveillance d’une société allemande à ses filiales étrangères soumises à une autre législation – jugement du Tribunal de grande instance de Berlin du 1.6.2015 (référence 102 O 65/14). De même, la Cour régionale d’appel de Zweibrücken, jugement du 20.2.2014 (référence 3 W 150/13) et le Tribunal de grande instance de Munich, jugement du 27.8.2015 (référence 5 HKO 20285/14) limitent l’application de la Loi de codétermination aux employés travaillant en Allemagne et déclarent la loi conforme au droit européen.

Selon ces tribunaux, une éventuelle discrimination des étrangers dans l’UE échoue déjà du fait que le secteur de codétermination entrepreneuriale ne fait pas partie des domaines juridiques harmonisés au niveau européen et qu’il faut donc admettre que les législations nationales des États membres présentent des différences au niveau de la codétermination entrepreneuriale. Ces tribunaux réfutent le reproche d’une violation de la libre circulation des travailleurs, garantie par le droit européen, car ils ne voient pas d’entrave à s’expatrier en raison du manque de codétermination dans les filiales européennes. Ils estiment que de tels arguments de la part des employés lors de leurs réflexions sur un éventuel changement de marché du travail sont insignifiants.

À l’encontre, la Cour d’appel de Berlin a, par jugement du 16.10.2015 (référence 14 W 89/15), dans le cas du groupe de tourisme TUI, soumis la question à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et défendu la position selon laquelle la Loi de codétermination pourrait effectivement être contraire au droit européen car elle discrimine les salariés étrangers et restreint leur libre circulation.

Il n’est pas possible d’estimer quand la Cour de justice de l’Union européenne prendra une décision à ce sujet. Les sociétés de capitaux allemandes avec des filiales étrangères devraient vérifier au préalable s’il serait opportun d’adapter leur actuelle codétermination s’il faut

à l’avenir tenir compte des employés travaillant dans des États membres de l’UE et, si cela est souhaité, éventuellement prendre à temps des mesures de restructuration.


Travail intérimaire : La ministre fédérale du travail Nahles présente un projet de loi

Déjà prévu dans le contrat de coalition conclu fin 2013 et attendu avec impatience, le projet de loi relatif à une réglementation plus sévère du travail intérimaire ainsi que des contrats d’entreprise a été présenté par la ministre fédérale du  travail Nahles le 16.11.2015. Ce projet de loi entend « restreindre le travail intérimaire à ses fonctions centrales » et vise à prévenir l’utilisation abusive des contrats d’entreprise. Il doit entrer en vigueur au 1.1.2017.

La principale nouveauté que ce projet de loi apporte pour la pratique est la (ré)introduction de la limitation de la durée de travail intérimaire à 18 mois au maximum. Cette durée maximale se réfère à un travailleur intérimaire ; par conséquent, après expiration des 18 mois, le poste pourra être occupé par un autre travailleur intérimaire. Les engagements précédents du travailleur intérimaire au sein de la même entreprise utilisatrice seront pris en compte à condition que l’interruption entre deux missions ne dépasse pas six mois. Selon une disposition transitoire, seules les missions à partir du 1.1.2017 sont à prendre en compte. Des conventions collectives spécifiques à la branche de mission peuvent prévoir une autre durée maximale ; ceci vaut cependant uniquement pour les entreprises soumises à une convention collective. En cas de violation de la durée maximale de 18 mois, un contrat de travail entre le travailleur intérimaire et l’entreprise utilisatrice sera établi. En outre, le dépassement de la durée maximale est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à € 30.000 et a pour conséquence, qu’une demande de prolongation de l’autorisation pour exercer l’intérim sera refusée.

Les travailleurs intérimaires auront désormais droit à une rémunération identique à celle des salariés permanents, au bout de neuf mois au plus tard (equal pay). Si le contrat de travail est soumis à une convention collective qui prévoit l’application du principe d’« equal pay » dans le cadre d’un plan échelonné, le salarié aura droit à « equal pay » au bout de douze mois. Le projet de loi ne prévoit pas de disposition transitoire à ce sujet, par conséquent les travailleurs intérimaires ayant déjà travaillé pour l’entreprise utilisatrice depuis neuf voire douze mois au 1.1.2017 bénéficient du principe d’« equal pay » dès cette date.

Pour plus de transparence, le contrat d’intérim entre l’entreprise de travail intérimaire (employeur) et l’entreprise utilisatrice doit expressément indiquer comme objet la mise à disposition de travailleurs intérimaires pour être valable. De plus, le nom du travailleur intérimaire doit être mentionné avant le début de son détachement en référence à ce contrat et il doit être informé de sa mise à disposition d’une entreprise utilisatrice en tant que travailleur intérimaire. Ces dispositions ont pour but d’empêcher la réinterprétation de soi-disant contrats d’entreprise (Scheinwerkverträgen) en contrat de cession de travailleurs intérimaires lorsque, à titre préventif, l’employeur intérimaire s’est procuré l’autorisation d’exercer l’intérim (« solution parachute »).

Aussi bien en cas de mise à disposition illégale de travailleurs intérimaires sans ladite autorisation, qu’en cas de violation des règles applicables quant au respect de la durée maximale ou encore en cas de non-respect de l’obligation de transparence ou de mise à disposition « en chaîne » (Kettenverleih) désormais explicitement interdite, le projet de loi accorde au travailleur intérimaire un droit d’opposition à la fiction d’un contrat de travail avec l’entreprise utilisatrice. L’intérimaire peut ainsi déclarer par écrit qu’il souhaite maintenir son contrat de travail avec son employeur, l’entreprise de travail intérimaire. Son contrat de travail ne sera alors pas transféré à l’entreprise utilisatrice.

D’autres modifications apportées par ce projet de loi concernent l’interdiction du recours à des travailleurs intérimaires comme briseurs de grève ainsi qu’une mise au point stipulant que les travailleurs intérimaires doivent être pris en compte pour le calcul des valeurs-seuils selon la Loi allemande sur l’organisation sociale des entreprises (Betriebsverfassungsgesetz) et en matière de co-détermination. Par ailleurs, un catalogue de critères permettant de déterminer, d’une part, les contrats de travail et, d’autre part, les contrats d’entreprise et de services doit être défini dans le Code civil allemand.

Le projet de loi a fait l’objet d’une rafale de cri-tiques de la part de l’entrepreneuriat allemand, en particulier parce qu’il dépasse sensiblement le contrat de coalition. Il reste à voir si ce projet ne sera pas encore considérablement modifié au cours de la coordination avec la Chancelle-rie fédérale et de la concertation interne et limité aux accords du contrat de coalition.


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Depuis le début de l’année, Maren Reiter et Oliver von Schweinitz sont associés chez GGV. Me Reiter joignait GGV déjà en 2011 et dirige le département de droit fiscal du bureau de Hambourg. Me von Schweinitz, avocat et conseiller fiscal, âgé de 40 ans, vient de PwC et renforce les bureaux de Hambourg et de Francfort dans le domaine des services financiers et conseille les moyennes entreprises dans leur internationalisation.

Caroline Roggenbuck, avocate et Maître en droit, débute également en début de cette année au bureau de Francfort et renforce l’équipe franco-allemande.

Le bureau à Paris accueillera à compter du 1.2.2016 Karoline Kettenberger qui, en tant qu’avocat junior, viendra renforcer l’équipe de droit social.