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Lettre d’information franco-allemande 30 Juin 2016

Lettre d’information franco-allemande | Avril 2016

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Par le biais de cette Lettre d’information bilingue, nous souhaitons vous tenir informés de l’actualité juridique et  scale allemande et française. Cette Lettre est rédigée par l’Équipe franco-allemande de GGV qui a pour vocation de conseiller les entreprises françaises et venant de pays francophones sur le marché allemand, et les entreprises allemandes et de pays germanophones sur le marché français.

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Selon un arrêt de la Cour administrative d’appel (CAA) de Versailles, l’interposition d’une holding luxembourgeoise dans une opération d’achat-revente d’un immeuble situé en France, dans le seul but de bénéficier de la convention franco-luxembourgeoise, est un abus de droit.

Un acte recherchant le bénéfice d’une application littérale d’un texte à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs dans le but de réduire les impositions d’un contribuable est regardé en droit français comme un abus de droit inopposable à l’administration fiscale.

Dans une affaire jugée récemment (CAA Versailles 17.12.2015 n° 13VE01281 plén.), l’administration avait estimé que  l’interposition d’une holding luxembourgeoise, en vue de faire échapper la plus-value de cession d’un immeuble en France à l’imposition, était inopposable, en raison de son caractère artificiel et dans la mesure où l’opération poursuivait un but exclusivement fiscal.

La Cour administrative d’appel a confirmé l’existence d’un abus de droit par fraude à la loi à une convention fiscale, non pas en ce que la holding n’avait pas de substance mais en ce que son interposition, qui n’était justifiée par aucun motif autre que fiscal, avait permis l’absence d’imposition.

Cette décision est intéressante tout d’abord parce qu’elle rappelle expressément qu’une structure artificielle n’est pas forcément dépourvue de substance. La décision est par ailleurs novatrice en ce qu’elle prévoit que quelle que soit la norme en cause, le rédacteur de cette norme, ne peut être considéré comme ayant eu l’intention de faire bénéficier de cette règle l’interposition artificielle d’une société dans un but exclusivement fiscal.

Dès 2017 entrera en vigueur un nouvel avenant à la convention franco-luxembourgeoise permettant l’imposition en France des plus-values de cession de sociétés détenant des immeubles en France. Toute opération visant à modifier la structure d’un investissement immobilier en France utilisant une holding luxembourgeoise devra prendre en compte la décision de la CAA de Versailles afin d’éviter tout risque d’abus de droit.


Nouvelles mentions obligatoires en matière de médiation des litiges de consommation

Les sociétés offrant leurs produits ou services à la vente aux consommateurs ont, depuis le 1.1.2016, de nouvelles obligations d’information vis-à-vis de leurs clients consommateurs. Le non-respect de ces obligations est sanctionné par une amende de € 15.000.

Dans l’objectif d’encourager la résolution amiable des litiges entre consommateurs et professionnels et surtout pour permettre aux consommateurs d’avoir un accès rapide et facile à ce mode de règlement de litige, le législateur européen prévoit désormais, par la directive ADR (2013/11/UE) et le règlement ODR (524/2013), le recours à la médiation pour tous les litiges opposant les professionnels aux consommateurs.

La directive ADR prévoit que le professionnel qui est établi dans un Etat membre et qui vend des produits ou services à un consommateur résidant dans l’Union Européenne doit l’informer, sur son site internet et dans ses CGV, sur la possibilité de résolution des litiges par médiation et sur le nom et les coordonnées du service de médiation agréé disponible. Cette nouvelle obligation s’applique tant aux contrats conclus en ligne (online) qu’à ceux conclus en dehors (offline). La directive a été transposée en droit français à la fin de l’année 2015.

Le dispositif de la médiation de la consommation se met en place progressivement, la liste des médiateurs agréés étant établie au fur et à mesure par la nouvelle Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation. Bien que plusieurs branches d’activité aient déjà procédé à la nomination d’un médiateur, telle par ex. la Fédération Française de la Franchise, la Fevad ou encore la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), il se peut que pour d’autres secteurs, aucun médiateur ne soit encore nommé. C’est pourquoi il est recommandé aux entreprises de se rapprocher de leur fédération professionnelle afin de vérifier quel est le service de médiation qu’elles pourront mentionner sur leur site ou dans leurs CGV.

Par application du règlement ODR, la Commission Européenne a mis en place une plateforme de règlement en ligne des litiges. La plateforme est censée faciliter pour le consommateur l’identification du service de médiation compétent et permettre d’établir un contact direct avec le professionnel.

Le professionnel a de son côté l’obligation de mettre sur son site internet un lien vers la plateforme, afin qu’elle soit facilement accessible pour le consommateur. Le professionnel doit par ailleurs mentionner dans ses CGV la plateforme et la possibilité, pour le client consommateur, de l’utiliser pour le règlement extrajudiciaire de ses litiges.


Règlement Données Personnelles

Il est maintenant certain que le Règlement général sur la protection des données (General Data Protection Regulation, GDPR) sera définitivement adopté par l’Union européenne au printemps 2016. Ce Règlement viendra remplacer la Directive 95/46/EC (harmonisée en France par le biais de la Loi Informatique & Libertés révisée) et mettra en place une réglementation plus contraignante, que les entreprises auront 2 ans pour assimiler avant son entrée en vigueur.

Parmi les innovations notables de ce Règlement, on peut relever :

  • la nécessité de la prise en compte de la question des données personnelles au moment de la création des traitements de données et une responsabilisation plus forte du responsable de traitement, principes formalisés en anglais par les concepts d’Accountability, Privacy by Default et Privacy by Design ;
  • la formalisation des rapports entre le responsable de traitement et ses sous-traitants ;
  • la désignation obligatoire d’un délégué à la protection des données (Data Protection Officer, DPO) pour certains types d’entreprises ;
  • la notification des violations des données aux autorités de contrôle, en France la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), et éventuellement aux personnes concernées ;
  • l’augmentation des sanctions pouvant aller pour les cas de violation les plus graves jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise.

L’ensemble de ces dispositions est accompagné de l’obligation de mettre en place en la matière un véritable programme de compliance tendant à démontrer l’implication des entreprises dans la protection des données personnelles qui leur sont confiées.


Co-emploi : confirmation de l’arrêt Molex par le dernier arrêt Fayat

Dans son arrêt du 10.12.2015, dit Fayat, la Cour de cassation précise que la qualité de co-employeur d’une société mère ne saurait se déduire de ses décisions affectant le devenir de sa filiale, et ce même si les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et si la société mère s’est impliquée dans le reclassement des salariés de sa filiale.

En janvier 2011, dans l’arrêt Jungheinrich, la Cour de cassation avait défini très largement la notion de co-emploi, ouvrant la porte à de très nombreux recours de salariés à l’encontre des sociétés mères de leur employeur. Plusieurs arrêts s’en étaient suivis dont il en ressortait que la qualité de co-employeur de la société mère se déduisait particulièrement de son immixtion dans la gestion d’une partie du personnel, notamment des cadres. Ces décisions avaient été interprétées de manière particulièrement extensive par les juridictions du fond, de sorte que la seule appartenance d’une société à un groupe avait pu sembler être le critère pour qualifier de co-employeur une société mère.

C’est dans ces circonstances que la Cour de cassation avait, dans l’arrêt Molex du 2.7.2014, précisé sa jurisprudence, refusant de qualifier de co-employeur la société mère qui avait pris, dans le cadre de sa gestion du groupe, des décisions affectant le devenir de sa filiale, et qui s’était engagée à fournir les moyens nécessaires au financement des mesures sociales de sa filiale en difficulté.

Depuis, d’autres arrêts de la Cour de cassation étaient venus limiter les cas de co-emploi. L’arrêt du 10.12.2015, rendu dans l’affaire Fayat, vient confirmer cette évolution.

Dans l’affaire dont il s’agit, la Cour d’appel de Nîmes avait qualifié la société mère de co-employeur, en retenant que :

Le directeur de la filiale se rendait régulièrement au siège de la société mère ;

  • Des consignes avaient été données par la société mère pour licencier l’ancien DRH ;
  • La société mère s’était impliquée dans la recherche de reclassement des salariés de sa filiale ;
  • La société mère s’était impliquée dans les choix stratégiques de sa filiale ;
  • La société mère avait refusé d’apporter son concours financier pour éviter la liquidation judiciaire.

La Cour de cassation a jugé ce faisceau d’indice insuffisant et a donc cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes, au motif que, hors état de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur, à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

Ainsi, la Cour de cassation, tout comme dans l’arrêt Molex, s’attache à distinguer la gestion du groupe, susceptible d’impacter la filiale, et l’immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale, la première ne permettant pas de qualifier la société mère de co-employeur, tandis que la seconde justifie sa qualification de co-employeur des salariés de la filiale.

La Cour de cassation a jugé ce faisceau d’indice insuffisant et a donc cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes, au motif que, hors état de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur, à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.


Accords d’intéressement : les impacts de la Loi Macron

La Loi Macron du 7.8.2015 et ses Décrets du 25.11.2015 et du 7.12.2015 ont modifié le régime de l’intéressement, en vue de favoriser sa mise en place, notamment dans les petites entreprises. Certaines de ces mesures nécessitent une révision des accords en vigueur. Dans le cadre d’une instruction interministérielle du 18.2.2016, l’Administration fait part de ses préconisations en la matière.

Outre quelques dispositifs incitatifs pour les entreprises de moins de 50 salariés, la Loi Macron a modifié le régime de l’intéressement, impliquant une révision de l’ensemble des accords d’intéressement, concernant notamment :

  • La date de versement de l’intéressement, qui doit intervenir au plus tard le dernier jour du 5ème mois suivant la clôture de l’exercice (alors que jusqu’à présent, les accords pouvaient prévoir un versement jusqu’au dernier jour du 7ème mois suivant la clôture).
  • L’information dont doivent bénéficier les salariés concernant la nouvelle affectation des sommes issues de l’intéressement dans un Plan Epargne Entreprise, à défaut de choix du salarié : cette nouvelle information doit avoir une date certaine, puisqu’elle marque le début du délai de 15 jours (sauf stipulations conventionnelles) laissé au salarié pour exprimer sa décision sur l’affectation des sommes.

Dans la mesure où ces mesures sont applicables aux sommes versées en 2016 au titre de l’exercice 2015, l’adaptation des accords en vigueur peut s’avérer problématique.

En conséquence, l’instruction ministérielle précise que, si la révision concernant la date de versement doit être envisagée rapidement, l’Administration fera preuve de tolérance en la matière pour 2016. Rappelons néanmoins que toutes les sommes qui seront versées au-delà du dernier jour du 5ème mois suivant la clôture de l’exercice (soit, pour un exercice civil, après le 31 mai) ouvriront droit à un intérêt de retard égal à 1,33 fois le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées.

S’agissant de l’information des salariés, il est recommandé d’engager les négociations rapidement, et, à défaut, de documenter la date à laquelle elle est réalisée par tout moyen. L’Administration se montre souple, et autorise l’information par le biais d’une note accompagnant le bulletin de paye ou par dispositif intranet.

Nous vous recommandons en tout état de cause d’engager des négociations de révision dès que possible.


Sous-traitance de production : nécessité d’un écrit

La loi du 17.3.2014, dite Loi Hamon, prévoit une obligation de formalisation, au moyen d’une convention unique de la sous-traitance de production d’un montant supérieur à € 500.000. Il subsiste toutefois des incertitudes majeures sur les conditions d’application de cette disposition, entrée en vigueur le 4.3.2016.

L’article L. 441-9 du Code de commerce impose que toute sous-traitance de production ou, selon le terme du texte, tout « achat » de produits manufacturés, fabriqués à la demande de l’acheteur en vue d’être intégrés dans sa propre production, fasse l’objet d’une convention écrite dont les mentions obligatoires sont précisées par la loi.

Les critères cumulatifs dont découlent l’obligation d’une convention écrite portent donc sur :

  • des « produits manufacturés »  – sont exclus les prestations de service, les travaux et l’externalisation de tâches ;
  • « fabriqués à la demande de l’acheteur » – c’est-à-dire selon ses spécifications ; sont donc exclus les produits standardisés vendus sur catalogue ;
  • « en vue d’être intégrés dans sa propre production » – sont donc exclus les outils de production et les produits n’entrant pas dans le processus de production.

Parmi les mentions à prévoir dans la convention écrite, on peut notamment citer les obligations et responsabilités respectives des parties, les modalités de paiement et la durée de l’engagement.

Il est maintenant certain que le Règlement général sur la protection des données (General Data Protection Regulation, GDPR) sera définitivement adopté par l’Union européenne au printemps 2016. Ce Règlement viendra remplacer la Directive 95/46/EC (harmonisée en France par le biais de la Loi Informatique & Libertés révisée) et mettra en place une réglementation plus contraignante, que les entreprises auront 2 ans pour assimiler avant son entrée en vigueur.

Tant que le seuil d’application de cette disposition n’était pas fixé, elle ne pouvait s’appliquer. Par décret en date du 1.3.2016, le seuil au-delà duquel l’établissement d’une convention écrite est obligatoire a été fixé à € 500.000.

Néanmoins, ni le législateur ni l’administration n’ont précisé l’opération d’« achat » à laquelle s’applique le seuil de € 500.000. S’agit-il d’une commande ponctuelle ou d’un contrat cadre portant sur plusieurs commandes ? Dans cette dernière hypothèse, les commandes doivent-elles porter sur des produits strictement identiques ou est-ce que la convention peut porter sur des produits similaires voire l’ensemble des produits fabriqués par le sous-traitant pour le client qui les intègre dans sa production dans le cadre d’une relation d’affaires?

Le flou laissé par le texte de l’article L. 441-9 du Code de commerce est particulièrement gênant, s’agissant d’un texte sanctionnel par une amende administrative. Des précisions sont attendues de l’administration, dont nous ne manquerons pas d’informer nos lecteurs.


Extension de la durée de validité des autorisations d’urbanisme

Par un décret en date du 6.1.2016 la durée de validité des autorisations d’urbanisme (permis de construire, permis de démolir, permis d’aménager et déclarations préalables) a été étendu de 2 à 3 années. De plus, une prorogation de deux fois une année pourra désormais être demandée.

Ce décret est applicable à toutes les autorisations d’urbanisme en cours de validité au 7.1.2016.

A noter que les autorisations portant sur les ouvrages de production d’énergie renouvelable pourront être prorogées plusieurs fois pour une année jusqu’à l’achèvement d’un délai de 10 ans à compter de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme. Avant l’entrée en vigueur de ce décret, cette possibilité était uniquement réservée aux projets éoliens.


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Exclusion d’un associé d’une S.A.R.L. composée de deux personnes

Une détérioration apparente de la relation entre les associés ne suffit pas pour justifier l’exclusion d’un associé d’une S.A.R.L. composée de deux personnes. Cela dépend plutôt du fait si l’associé concerné est du moins en grande partie responsable de ce désaccord.

Vu globalement, il faut toujours prendre en considération le comportement des deux associés. Selon les circonstances, un éventuel comportement fautif de l’associé exerçant l’exclusion peut atténuer le jugement de l’autre associé dont l’exclusion est envisagée.

La Cour d’appel de Brandenburg (dans un jugement du 28.01.2015 – Aff. 7 U 170/13) s’est prononcée, dans le cas d’une S.A.R.L. avec un associé majoritaire (75%) et un associé minoritaire (25%), sur l’exclusion de ce dernier.

Après sa révocation en tant que gérant par l’associé majoritaire, l’associé minoritaire avait longtemps cherché en vain à vendre ses parts sociales. Finalement, il en a transféré une partie à un tiers étranger à la société et a vendu l’autre partie à son représentant, sans même demander le consentement de l’assemblée des associés qui était prévue par les statuts. L’associé majoritaire a été informé de la vente par le notaire, mais n’a pas exercé son droit de préemption. A la place, il a décidé d’exclure le défendeur de la société. La Cour d’appel a cependant refusé de donner droit à la demande formée.

Les principales raisons évoquées étaient les suivantes : l’associé minoritaire n’avait plus aucune possibilité, après sa révocation en tant que gérant, de nuire aux intérêts des opérations commerciales. Sa tentative d’aliénation des parts sociales était certes contraire aux statuts de la société, cependant l’associé majoritaire n’a pas exercé son droit de préemption, ni même entrepris quoi que ce soit afin de racheter les parts sociales du défendeur contre paiement d’une indemnité appropriée. Sa stratégie était manifestement « d’affamer » financièrement le défendeur. Face à cela, le comportement de ce dernier ne semblait pas assez grave pour justifier une exclusion. Le juge a donc rejeté la demande d’exclusion.

Dans la pratique, cela signifie qu’il faut analyser aussi bien le comportement de l’associé dont on envisage l’exclusion, que le comportement de celui qui est intéressé par l’exclusion de l’autre, pour pouvoir juger les chances de succès d’une demande d’exclusion.


Annulabilité des résolutions d’associés en cas de non prise en compte de la nécessité de consentement prévu par les statuts

Dans le cas où les statuts prévoient pour certaines mesures le consentement de tous les associés, des résolutions d’approbation ne peuvent pas être prises contre la volonté d’un des associés, ni même sans sa participation. Cela vaut selon une décision de la Cour d’appel de Hamm du 21.12.2015 (Aff. 8 U 67/15), en général également pour la modification de la clause concernée.

Dans le cas présent, les statuts contenaient une règlementation selon laquelle, pour certaines opérations juridiques, notamment pour la conclusion et la résiliation de contrats de travail avec un revenu brut annuel supérieur à DM 30.000,00, le consentement des associés était nécessaire. Fin 2013, les deux associés/gérants convoquaient une assemblée des associés. Le troisième associé n’a pas participé à cette assemblée. Par procuration, il avait donné l’instruction aux deux autres associés de voter par un “non” contre toute proposition de résolution. Sans faire usage de la procuration, ceux-ci ont pris par leur seul vote, plusieurs résolutions ; entre autre, ils ont réhaussé la limite dudit consentement prévu par les statuts pour la conclusion et la résiliation de contrats de travail à un revenu brut annuel de plus de EUR 75.000,00.

Selon l’avis des juges, les deux associés présents lors de l’assemblée des associés ne pouvaient pas prendre de résolutions avec leur seul vote. De plus, le troisième associé qui n’était pas présent lors de l’assemblée des associés, ni même représenté, aurait dû approuver les décisions avant ou après cette assemblée. Il avait finalement signalé avant l’assemblée des associés qu’il refusait délibérément la modification des statuts. Les juges ont donc tenu la résolution sur le renforcement des limites au consentement pour nulle.

Dans la pratique, il faut savoir que les résolutions des associés ne peuvent en principe être attaquées que dans un délai d’un mois à partir de la prise de résolution.


Frais consécutifs à la création d’une société

Lors de la création d’une société d’autres charges obligatoires s’ajoutent aux frais de constitution telle la redevance audiovisuelle et la contribution pour la Chambre de Commerce et d’Industrie (C.C.I.).

Pour la création d’une société, les frais de notariat et d’immatriculation au registre du commerce s’élèvent à minimum EUR 1.000,00. Ensuite, d’autres frais sont régulièrement engendrés par les inscriptions très détaillées auprès du bureau de l’office de surveillance commerciale et industrielle et des autorités fiscales. Ces formalités administratives exigent le soutien de conseillers spécialisés en vue d’obtenir un numéro d’identification fiscale et un numéro d’identification de TVA.

Des coûts annuels comme la redevance audiovisuelle et la contribution à la C.C.I. s’appliquent également aux sociétés n’ayant ni propre bureau, ni employés. Depuis 2013, toute société doit payer la redevance audiovisuelle pour le service public de radiodiffusion. Le tarif varie en fonction du nombre d’établissements stables et d’employés de la société.

En outre, toute société doit établir à la fin de chaque exercice un bilan ainsi qu’une déclaration d’impôt sur les revenus car un exercice regroupant plusieurs années n’est pas autorisé en Allemagne. Même des petites entreprises doivent transmettre les déclarations fiscales et bilan fiscal ou encore une clôture de compte abrégée par voie électronique. Au total. il faut estimer un coût annuel d’au moins EUR 1.000,00 ces frais de structure sont même en général bien plus élevés.


Procédure vis-à-vis des partenaires commerciaux notamment en matière de déductibilité de la TVA

Les entreprises doivent vérifier les données de leurs partenaires commerciaux et documenter ce contrôle afin de réduire leur propre risque. Dans le cas contraire, la TVA en amont risque de ne pas être remboursée, ni créditée.

Avant de conclure un contrat, il est judicieux de contrôler la fiabilité du partenaire commercial, notamment les locaux utilisés à l’adresse indiquée, le bénéficiaire effectif, le cas échéant la société mère ou à la tête du groupe ainsi que le sérieux de l’entreprise (documentation de « compliance »). Ce contrôle limite le risque de non-paiement ou de non-livraison et peut être juridiquement avantageux (corruption, blanchiment).

Pour une déductibilité de la TVA en amont, il est actuellement exigé que la société émettrice de la facture dispose d’une activité économique réelle à l’adresse de facturation et qu’une prise de contact y soit possible au moment de la fourniture de prestation.

A la réception d’une facture et avant sa validation, il faut vérifier si les prestations concernées ont déjà été accomplies ou s’il s’agit d’une facture d’acompte. Pour une déductibilité de la TVA en amont, il faut vérifier si la facture contient bien toutes les mentions nécessaires (par ex. noms complets des deux contractants, numéros d’identification fiscale obligatoires, désignation concrète de la prestation et indication et calcul du montant de TVA). Pour toute prestation, il est impératif de vérifier si une facturation de TVA est justifiée ou si un montant net avec auto-liquidation aurait dû être appliqué. Dans le deuxième cas, par exemple, celui d’une formation dans un État de l’Union Européenne avec facturation de l’institut de formation à la société allemande, le remboursement de la TVA du pays étranger n´est pas possible. Si des mentions obligatoires manquent sur la facture, nous conseillons de payer seulement le montant net hors taxe.

Selon l’arrêt de la CJUE du 22.10.2015 C-277/114, PPUH Steecemp, une seconde vérification des parties contractantes s’impose seulement si des indices d’irrégularité ou de fraude fiscale apparaissent. Si la déductibilité de la TVA en amont est remise en cause par des contrôleurs fiscaux car, au moment du contrôle, un contact avec le partenaire n’est plus possible, la documentation « compliance » mentionnée ci-dessus peut servir de justificatif.


Consentement de l’employé pour la collecte et l’utilisation de données à caractère personnel dans le cadre d’un contrat de travail

Selon la Loi fédérale sur la protection des données personnelles (Bundesdatenschutz­gesetz), l’employeur est autorisé à collecter, enregistrer et utiliser les données personnelles d’un salarié sans consentement particulier de ce dernier, si cela est nécessaire pour résilier, accomplir ou justifier une relation de travail. Cependant, un consentement explicite du salarié est obligatoire dès que le traitement des données dépasse ces objectifs ou que les données sont transmises à un tiers. Cela concerne p.ex. des groupes internationaux qui centralisent la gestion des données au sein d’une société du groupe. Dans ces cas, bien que les données des salariés soient collectées par l’employeur, elles sont finalement transmises à une autre société du groupe qui les traite.

Jusqu’à présent, le fait de savoir si le salarié pouvait donner une telle autorisation à son employeur n’était pas clair. Les autorités chargées de la protection des données considéraient qu’une autorisation volontaire n’était pas possible en raison de la situation de dépendance du salarié vis-à-vis de son employeur. Cela entrainait une insécurité juridique importante pour l’employeur si le traitement des données dépendait de l’autorisation préalable du salarié.

Par décision du 11.12.2014, (référence 8 AZR 1010/13), la Cour fédérale du travail (Bundes-arbeitsgericht – BAG) a clarifié le fait qu’un salarié peut renoncer librement à son droit fondamental concernant la protection des données à caractère personnel dans son contrat de travail, indépendamment du fait que le salarié soit dépendant de l’employeur.

En apposant sa signature sur une liste de noms, le demandeur, un salarié, avait donné son autorisation pour l’utilisation et la diffusion de prises de vue dans le cadre des relations publiques. Lors de la cessation de la relation de travail, le requérant a demandé au défendeur d’enlever le film publicitaire du site internet de l’employeur, invoquant que son autorisation n’était pas valable. Le tribunal a rejeté le recours et a déclaré que le consentement  était conforme.

Il est donc évident qu’un employeur peut demander l’autorisation à un salarié d’utiliser et de transmettre ses données personnelles, p.ex. à une société du groupe. Cependant, les tribunaux vont continuer à vérifier si le consentement a effectivement été donné de plein gré par le salarié. Il est conseillé de rédiger l’autorisation dans un document distinct du contrat de travail et de choisir une formulation claire et transparente.


Affectation limitée de plus hautes fonctions

Un employeur peut-il n’affecter que provisoirement des activités plus élevées et mieux rémunérées à un employé ?

La question se pose par exemple quand un poste de leader/direction devient vacant et qu’il est occupé d’abord en interne jusqu’à ce qu’il soit pourvu de façon définitive ou dans le but de tester un employé en vue du poste supérieur.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la limitation dans le temps de certaines conditions d’un contrat de travail ne relève pas de la règlementation relative à la durée déterminée des contrats de travail (§ 14 Teilzeit- und Befristungsgesetz = Loi allemande sur le travail partiel et temporaire). La question qui se pose est de savoir si une telle limitation prend suffisamment en considération les intérêts de l’employé selon les principes fondamentaux du Code civil allemand (§ 307 BGB).

Le tribunal du travail a récemment apporté une réponse à cette question (jugement du 7.10.2015 – 7 AZR 945/13), dans le cas d’une bassoniste qui devait remplacer provisoirement le premier bassoniste soliste malade. Celui-ci ayant d’ailleurs dû quitter définitivement l’orchestre ultérieurement. Le poste ne fut à nouveau occupé que quatre ans plus tard. La bassoniste souhaitait que le poste lui soit attribué de façon définitive et non seulement de façon temporaire.

Pour estimer si un employé est désavantagé par l’affectation provisoire de fonctions plus élevées, la jurisprudence prend en considération, d’une part, les raisons objectives de l’employeur qui justifient l’affectation provisoire et, d’autre part, dans quelle mesure le temps de travail et la rémunération diffèrent du contrat de travail initial. Plus cette différence est importante, plus la validité d’une telle clause de limitation est douteuse car le salarié gère son train de vie essentiellement en fonction de ses revenus.

Si le salarié n’assume lesdites fonctions que pour un remplacement ou s’il ne s’agit que de tester s’il est en mesure d’assumer ce poste dont les qualifications sont plus élevées, une durée déterminée ne pose en général pas de problème. Mais si la durée déterminée ne fait que cacher la volonté de l’employeur de se réserver la possibilité d’y nommer quelqu’un d’autre, les moyens de convenir d’une durée déterminée sont plutôt limités.


Poursuite d’un contrat de travail à durée déterminée – pas de contrat à durée indéterminée

Si un contrat de travail à durée déterminée est prolongé au-delà de la date d’échéance, il est généralement considéré comme contrat à durée indéterminée. Mais cela n’est pas obligatoirement le cas.

Si un contrat de travail ne doit être prolongé à nouveau que pour une durée déterminée, les parties contractantes doivent en convenir par écrit avant la date d’échéance. Si l’employé poursuit ses activités au-delà de cette date et  que l’employeur n’y fait pas immédiatement opposition, le contrat de travail est considéré tacitement comme contrat à durée indéterminée.

Dans le cas de la Cour fédérale du travail du 7.10.2015 (7 AZR 40/14), l’employeur avait clairement informé l’employé, avant la date d’échéance, que le contrat de travail serait prolongé une nouvelle fois à durée déterminée et que l’employé devrait signer une prolongation correspondante de son contrat par écrit. La relation de travail fut cependant poursuivie sans cet accord écrit de prolongation. A la date d’échéance, l’employé invoqua que le contrat de travail était maintenant à durée indéterminée puisqu’il n’avait pas fait l’objet d’une limitation par écrit.

Si un contrat de travail à durée déterminée est prolongé au-delà de la date d’échéance, il est généralement considéré comme contrat à durée indéterminée. Mais cela n’est pas obligatoirement le cas.

La Cour fédérale du travail n’a pas suivi cette argumentation. La continuation tacite d’un contrat de travail à durée indéterminée est exclue quand l’employeur expose clairement ne pas vouloir prolonger le contrat de travail de façon indéterminée. Dans un tel cas, il existe une relation de travail implicite entre les parties à laquelle l’employeur peut mettre fin à tout moment. Le fait que la relation de travail ait été poursuivie de façon implicite pendant plusieurs mois ne justifie pas une autre interprétation.

La décision est surprenante et en faveur des employeurs auxquels la prolongation d’un contrat de travail en durée indéterminée ne peut plus être imposée.


Menace de multiplication des mises en demeure en cas de violation des règles relatives à la protection des données

À compter du 24 février 2016, le catalogue des pratiques allant à l’encontre de la Loi allemande pour la protection des consommateurs, concernant la protection de leurs données personnelles, et ainsi l’éventail des violations induisant des mises en demeure, ont été élargi.

En application de l’art. 2, al. 2, n° 11 de la Loi allemande sur les actions en cessation (Unterlassungsklagegesetz – UKlaG), un entrepreneur s’engage à déclarer ou notifier chaque collecte, traitement ou utilisation de données à caractère personnel, dans la mesure où cela n’a pas pour objectif le développement d’une relation contractuelle avec le consommateur, mais plutôt d’autres buts commerciaux comme par exemple la publicité, une étude de marché, un sondage d’opinions ou la conception de profils d’utilisateurs. Ainsi, seuls les entrepreneurs pour lesquels la collecte des données a pour objectif la construction et la poursuite d’une relation contractuelle avec le consommateur, par exemple, pour la fourniture gratuite de prestation en ligne en tant que contrepartie, sont protégés des mises en demeure. Reste à voir si cette dérogation représentera une issue devant les mises en demeure, ou bien si des associations de consommateurs en particulier essayeront d’y faire barrage.

A cela s’ajoute l’élargissement du cercle des personnes habilitées à introduire des actions en justice aux associations de consommateurs. Jusqu’ici, seules les personnes concernées ou les autorités de surveillance compétentes pouvaient agir contre les éventuelles violations. Le risque de coûts élevés – difficilement évaluables – a régulièrement empêché les consommateurs d’engager des mesures contre la violation de la règlementation sur la protection des données personnelles. En ce qui concerne les autorités de surveillance, l’application de ces sanctions a échoué en raison du manque de personnel et de possibilités financières. Cela va changer grâce à l’extension aux associations de consommateurs. De telles associations spécialisées se pencheront de façon intensive sur le contrôle de la collecte des données et ne reculeront pas devant la nécessité d’agir par tous les moyens contre d’éventuelles violations.

En tout cas, il faut être particulièrement vigilant lors de la collecte de données à caractère personnel. En effet, en cas de violation, il existe désormais, en plus des mesures d’injonction, une menace d’action en suppression, selon l’art. 2, al. 1 de la Loi allemande sur les actions en cessation.


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Le 7.4.2016, GGV a organisé un atelier en coopération avec l’AFJE au sujet du projet de loi Sapin II et de la proposition de loi sur le devoir de vigilance.

Dans le cadre d’un symposium organisé par le Barreau des avocats de Paris et le Tribunal de grande instance de Paris, Me Steffen Paulmann (bureau de Francfort) est intervenu lors d’une conférence le 15 avril 2016 sur le thème du remboursement des frais de procès en Allemagne et en France.

Le 21 avril 2016 se tiendra à Paris un séminaire de l’Union Internationale des Avocats (UIA) co-dirigé par notre associée Bénédicte Querenet-Hahn (bureau de Paris) sur la prévention du risque pénal des dirigeants et des entreprises, en France et à l’étranger.