Par le biais de cette Lettre d’information bilingue, nous souhaitons vous tenir informés de l’actualité juridique et scale allemande et française. Cette Lettre est rédigée par l’Équipe franco-allemande de GGV qui a pour vocation de conseiller les entreprises françaises et venant de pays francophones sur le marché allemand, et les entreprises allemandes et de pays germano- phones sur le marché français.
Contenu
Actualités France
- Apports à une société étrangère : l’agrément préalable (article 210 C CGI) jugé non conforme au droit de l’UE
- Responsabilité de l’actionnaire : du co-emploi vers la légèreté blâmable ?
- Employabilité et formation digitale
- La libre négociabilité tarifaire n’est pas sans limite
- CNIL : Règlement données personnelles
- Impact du nouveau droit des contrats sur les baux commerciaux
Actualités Allemagne
- Le prélèvement à la source en cas d’activité salariale transfrontalière
- Conséquences d’un « Brexit dur »
- Transparence complète des investissements dans des sociétés et contrôle fiscal des comptes bancaires sans restrictions
- Profits dus à un abandon de créance aux fins d’assainissement bientôt à nouveau exonérés
- Maintien du report des pertes fiscales en cas de changement d’associés
- Nécessité d’une compensation en cas de clause de non-concurrence : limites d’une clause dite « de sauvegarde »
- Un congé maladie ne s’oppose pas à une compensation des heures supplémentaires
- Critique du projet d’amendement à la Loi fédérale de protection des données personnelles
- Exigences strictes en matière de transparence concernant les déclarations de renonciation préformulées par l’employeur
Actualités France
Apports à une société étrangère : l’agrément préalable (article 210 C CGI) jugé non conforme au droit de l’UE
Saisie de deux questions préjudicielles transmises par le Conseil d’Etat, la CJUE a jugé dans un arrêt du 8.3.2017 (CJUE, Euro Park Services, aff. C-14/16) que l’article 210 C, 2 du CGI, qui subordonne de le bénéfice du régime spécial des fusions à une procédure d’agrément préalable applicable aux seules opérations d’apports à des personnes morales étrangères n’est pas conforme au droit de l’Union européenne.
En l’espèce, une société française avait fait l’objet d’une opération de dissolution sans liquidation au profit de son associé unique, une société luxembourgeoise. A cette occasion, cette société avait opté pour le régime spécial des fusions, sans solliciter l’agrément ministériel préalable prévu à l’article 210 C, 2° du CGI. A la suite d’un contrôle fiscal, l’administration a remis en cause le bénéfice du régime spécial des fusions, au motif que la société française n’avait pas sollicité l’agrément.
La Cour constate que la procédure d’agrément préalable s’applique aux seules opérations de fusion transfrontalière et qu’en conséquence, les opérations de fusion transfrontalière et les opérations de fusion interne sont traitées différemment, ce qui est susceptible de dissuader les sociétés d’exercer leur liberté d’établissement et constitue ainsi une entrave à cette liberté. Jugeant qu’une telle entrave n’est justifiée ni par le principe de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition ni par l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, la Cour en conclut que la législation française va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
Cela étant, la Cour critique moins le principe même de l’agrément préalable, dont la conformité au droit de l’UE a déjà été admise dans l’arrêt Pelati rendu le 18.10.2012 (aff. C-603/10), que le fait que les opérations de fusion transfrontalières soient soumises à des conditions procédurales plus sévères que celles requises dans le cadre d’opérations de fusions internes.
Dès lors, deux possibilités s’offrent au législateur français : supprimer l’exigence d’un agrément préalable pour les fusions transfrontalières, ou bien au contraire étendre une telle exigence au cas des fusions internes. Nous ne manquerons pas d’informer nos lecteurs de la modification législative qui sera adoptée pour mettre en conformité le droit français avec le droit de l’Union Européenne.
Responsabilité de l’actionnaire : du co-emploi vers la légèreté blâmable ?
La jurisprudence ayant restreint les cas de co-emploi à des situations exceptionnelles, les salariés tentent, sur le fondement de moyens juridiques alternatifs, de mettre en cause la responsabilité de l’actionnaire, lorsque la société fille se trouve dans une situation économique difficile, voire perdue.
Le groupe Vivarte a récemment annoncé la suppression en France de 900 emplois dans le cadre de deux plans sociaux. Les syndicats ont saisi le Tribunal de grande instance de Paris d’une demande d’expertise, portant sur les comptes du groupe Vivarte, incluant la société française Vivarte et ses deux sociétés actionnaires, Novarte et Novartex. Ils demandent également que l’expert étudie l’impact des distributions de dividendes sur la trésorerie du groupe et ses capacités d’investissement. L’intention des syndicats, par cette procédure d’expertise, est d’obtenir des éléments permettant de prouver que les actionnaires, par leurs décisions, ou leur inaction, ont mis en péril les filiales françaises.
Les syndicats suivent en cela un courant de jurisprudence naissant en France qui tend à rechercher la responsabilité de l’actionnaire pour légèreté blâmable. Cette jurisprudence s’affirme progressivement depuis quelques années. Son évolution a été marquée notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 8.7.2014, suivi d’un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 28.6.2016.
Dans ces deux derniers cas, l’action en responsabilité a été engagée par les salariés ou les syndicats de la filiale française et les juridictions ont relevé que l’actionnaire avait, par ses décisions, aggravé la situation économique difficile de sa filiale, provoquant sa déconfiture et la disparition d’emplois, et ont retenu la responsabilité de l’actionnaire sur le fondement de sa légèreté blâmable.
Les salariés ont ainsi pu trouver un moyen d’engager la responsabilité de l’actionnaire sur un autre fondement juridique que le co-emploi, qui requiert une triple confusion de direction d’activités et d’immixtion caractérisée dans la gestion de la filiale, souvent difficile à prouver.
Dans ces deux cas, la qualification de co-employeur de l’actionnaire ne pouvait être retenue, et l’actionnaire ne pouvait pas non plus être sanctionné sur le fondement de l’action pour insuffisance d’actif, puisque cette action n’est pas ouverte aux salariés.
En retenant la responsabilité de l’actionnaire pour légèreté blâmable, les tribunaux tendent à sanctionner un manquement à une obligation de faire, et en particulier sanctionne le fait pour l’actionnaire de s’être abstenu de fournir à sa filiale les moyens nécessaires pour se redresser.
La doctrine critique vivement cette position, considérant qu’elle va à l’encontre de la liberté d’entreprendre et de l’esprit de la loi, qui encadre strictement les cas de mise en cause de la responsabilité de l’actionnaire.
Si la position de la jurisprudence venait à être confirmée, il faudra se résoudre à voir se dessiner l’obligation, pour l’actionnaire, de contribuer financièrement à la vie de sa filiale, dans une certaine limite toutefois, puisqu’il ne saurait être exigé de l’actionnaire qu’il soutienne sans fins une filiale déficitaire.
L’affaire Vivarte dont le jugement est attendu pour le 27.4.2017, donnera certainement aux tribunaux français l’occasion de confirmer ou d’infirmer la direction prise, et peut être aussi de définir les contours du rôle de l’actionnaire vis-à-vis de sa filiale.
Employabilité et formation digitale
A l’heure où la digitalisation bouleverse le monde du travail, le législateur, saisissant l’occasion de la loi du 7.10.2016 pour une République numérique, a énoncé que les formations contribuant au développement des compétences numériques des salariés figurent parmi les actions d’adaptation à leur poste de travail.
Rappelons que l’article L.6321-1 du Code du Travail met à la charge de l’employeur l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail, et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Le non-respect de cette obligation est sanctionné par l’octroi de dommages et intérêts au salarié qui n’a pas bénéficié de formations et dont, de ce fait, l’employabilité n’a pas été maintenue.
La Cour de cassation sanctionne régulièrement les employeurs qui ont négligé leurs obligations en la matière (cf notamment nos commentaires dans notre Lettre franco-allemande de février 2016 sur les arrêts rendus par le Cour de cassation en date du 24.9.2015 et du 7.5.2014).
En énonçant expressément que les formations contribuant au développement des compétences numériques des salariés figurent parmi les actions d’adaptation à leur poste de travail, le législateur impose aux employeurs d’assurer la formation de leurs salariés à la transformation numérique.
Nous conseillons donc aux employeurs de prévoir une large place à la transformation digitale dans leur plan de formation.
La libre négociabilité tarifaire n’est pas sans limite
Dans un arrêt du 25.1.2017, la Cour de cassation affirme pour la première fois, sur le fondement du déséquilibre significatif, que le prix fixé entre partenaires commerciaux peut être contrôlé judiciairement.
Dans cette affaire, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes avait analysé les accords commerciaux conclus entre le Groupement d’Achat des centres E. Leclerc et ses fournisseurs. De nombreux contrats contenaient, entre autres, une clause prévoyant le versement de ristournes de fin d’année soit en contrepartie de la constatation d’un courant d’affaire non chiffré, soit en contrepartie de la constatation d’un chiffre d’affaires limité par rapport à celui de l’année précédente, ou soit sans aucune contrepartie.
Sur le fondement de l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce, le Ministre de l’économie a assigné le groupement aux fins d’annulation de ces clauses, restitution des sommes indument perçues et paiement d’une amende civile.
Par un jugement du 24.9.2013, le Tribunal de commerce de Paris a rejeté les demandes du Ministre au motif qu’aucune preuve de l’absence de libre négociation n’était apportée.
Par un arrêt du 1.7.2015, la Cour d’appel de Paris a infirmé ce jugement, condamné le groupement au remboursement de € 61.000.000, au paiement de € 2.000.000 d’amende et a annulé les clauses litigieuses, au motif qu’une ristourne sans contrepartie réelle crée un déséquilibre significatif.
La Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel jugeant que l’article L.442-6 I 2° du Code de commerce autorise un contrôle judiciaire du prix dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
La haute juridiction énonce que l’absence de modifications apportées aux conditions particulières de vente démontre l’absence de négociation, que l’absence d’obligations réciproques entre les parties laisse présumer que la clause a été imposée au fournisseur et que la réduction du prix accordée par le fournisseur doit avoir pour cause une obligation prise par le distributeur.
Cet arrêt est surprenant, en ce qu’il énonce que le principe de libre négociabilité des tarifs n’est pas sans limites en ce que le juge peut contrôler les conditions de la détermination du prix par le biais des pratiques restrictives de concurrence.
CNIL : Règlement données personnelles
Les 6 étapes suggérées par la CNIL pour se mettre en conformité avec le Règlement sur la protection des données personnelles
Le 25.5.2018, le nouveau Règlement relatif à la protection des données personnelles entre en application. A cette date, les entreprises doivent être en mesure de démontrer leur conformité avec les nouvelles règles. La CNIL a publié, le 15.3.2017, une méthodologie en 6 étapes.
La CNIL suggère aux entreprises et aux organismes soumis au Règlement la méthode suivante :
- Désigner un pilote : Il est recommandé de désigner une personne chargée de la mise en conformité au Règlement. Le rôle de cette personne est notamment de faire comprendre et respecter les obligations du Règlement et de dialoguer avec les autorités de protection des données. Cette personne peut être également déléguée à la protection des données.
- Cartographie : Les déclarations CNIL étant remplacées par un registre des traitements, il convient de recenser tous les traitements de données personnelles opérés par l’entreprise, leurs objectifs, les personnes et entités qui traitent les données et les flux qui y sont associés. Les questions clés pour cette étape : Qui, Quoi, Pourquoi, Où, Jusqu’à quand, Comment ?
- Prioriser : Après avoir identifié les traitements opérés par l’entreprise, la CNIL préconise de prioriser les actions à mener, en fonction des risques associés aux traitements cartographiés.
- Etude d’impact pour les traitements à risque : Si à l’étape 2, des traitements à risque élevé ont été décelés, l’entreprise doit, pour chacun de ces traitements, mener une étude d’impact. Cette étude consiste notamment à évaluer la nécessité du traitement, à en apprécier les risques sur les droits et libertés des personnes concernées et à déterminer les mesures garantissant la conformité avec le Règlement.
- Organiser les processus internes : Avec le nouveau Règlement, les entreprises passent des formalités préalables à une logique de responsabilité, en anglais « accountability ». Il s’agit d’un changement de culture qui doit trouver son reflet dans les procédures mises en place au sein des entreprises. Ces procédures doivent garantir la protection des données à tout moment.
- Documenter : Il ne suffit pas de mettre en place les procédures. Encore faut-il les documenter. L’entreprise doit en effet tenir à jour une documentation qui démontre qu’elle respecte les obligations prévues par le Règlement.
Dans son rapport annuel 2016, la CNIL a annoncé que sa priorité absolue en 2017 serait de préparer le passage au Règlement. Son plan d’action s’articule principalement autour de l’accompagnement des professionnels.
Impact du nouveau droit des contrats sur les baux commerciaux
Les nouvelles règles issues de la réforme du droit des contrats et entrées en vigueur le 1.10.2016 impactent le régime des baux commerciaux en assurant, à l’instar de la loi dite « Pinel », une plus grande sécurité juridique à l’égard du preneur.
Retour sur les principales nouveautés à retenir.
Fini les baux commerciaux pré-rédigés sans possibilité d’en négocier les clauses et les conditions pour le preneur : toute clause créant un déséquilibre significatif dans les baux commerciaux, qualifiables de contrats d’adhésion, sera réputée non écrite sous réserve que l’appréciation de ce déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du prix à la prestation. Il faudra ainsi apporter une attention particulière aux baux présentés en deux parties (conditions générales/conditions particulières).
S’agissant du montant du loyer, un nouveau moyen de contestation est mis à la disposition du preneur, avec l’introduction en droit français de l’imprévision. En 2013, la société Virgin Megastore avait dû fermer sa boutique sur les Champs-Elysées suite à une hausse excessive des loyers. Une telle situation ne saurait se reproduire : le locataire peut désormais demander la renégociation de son bail « en cas de changement de circonstances imprévisibles rendant l’exécution excessivement onéreuse » et non assumé par celui-ci. Les parties peuvent toutefois éviter de subir l’imprévision, en l’excluant ou en en limitant les cas, dans le contrat.
Enfin, la réforme n’oblige plus le preneur à saisir préalablement le juge pour toute demande de réduction du loyer, en cas d’inexécution imparfaite d’une obligation du bailleur ou pour toute demande de remboursement des sommes engagées pour une inexécution du bailleur à réaliser des travaux. Par exemple, après mise en demeure, le locataire peut, dans un délai et à un coût raisonnable, faire exécuter lui-même les travaux. Il peut également après mise en demeure accepter le défaut d’entretien du bailleur et solliciter en contrepartie une baisse proportionnelle de son loyer. Sur ce dernier point, le locataire veillera à ne pas prendre de mesures disproportionnées sous peine de se retrouver lui-même condamné par le juge.
Actualités Allemagne
Le prélèvement à la source en cas d’activité salariale transfrontalière
Une instruction du ministère des finances limite le risque pour l’employeur d’être tenu responsable du défaut de prélèvement à la source sur les salaires dans le cadre d’une mission internationale du personnel.
Pour des salariés qui exercent leurs activités en partie en Allemagne, et en partie chez des clients étrangers de l’employeur, comme dans le domaine de la construction d’équipements ou de consultants techniques, la question d’une double imposition du salaire, et en amont la question de la détermination d’un prélèvement à la source sur les salaires correcte se pose. L’employeur doit tenir compte de la partie du salaire imposée à l’étranger, qui est donc exonérée de retenue à la source salariale en Allemagne.
Dès lors qu’une attribution directe du salaire en Allemagne et à l’étranger est impossible (par exemple pour les primes d’entreprise, les primes non liées à un projet, les congés payés et la gratification pour Noël), l’employeur doit en faire une répartition annuelle pour la retenue à la source salariale. Ladite répartition posait jusqu’ici problème, en particulier si la formule de répartition entre l’Allemagne et l’étranger n’était pas encore connu au cours des premiers mois de l’année. Il s’est avéré plus tard que la part étrangère avait été faussement surestimée. L’employeur était régulièrement tenu pour responsable (en devant se porter caution solidaire) du fait d’avoir déduit et payé au fisc un montant insuffisant de prélèvements à la source.
Grace à l’instruction du 14.3.2017, l’employeur peut désormais se baser sur des critères clairement définis, par lesquels il peut déterminer une répartition au cours de l’année. Si celle-ci comporte une budgétisation valide, l’employeur n’est plus considéré comme caution solidaire en cas d’insuffisance de retenue à la source sur les salaires.
Cette clarification est bienvenue car elle apporte une sécurité juridique à l’employeur et évite une confrontation avec les autorités fiscales à l’occasion d’un contrôle fiscal plusieurs années plus tard.
Conséquences d’un « Brexit dur »
Après la déclaration du gouvernement britannique le 29.3.2017 de quitter l’Union européenne, et sa sortie prochaine de l’Espace économique européen (EEE), il faut s’attendre à la suppression d’avantages fiscaux par rapport à la Grande-Bretagne. Un aperçu est donné ci-après :
Les privilèges fiscaux basés sur le droit européen et notamment sur les directives entre sociétés mère et filiales, les directives sur les fusions ainsi que sur les intérêts et les redevances seront supprimés. Les dispositions d’une convention fiscale, qui s’appliqueront de nouveau par défaut, sont souvent moins avantageuses.
Ainsi, le transfert d’actifs d’une entreprise allemande vers son établissement stable au Royaume-Uni ne permettra plus de bénéficier d’avantages fiscaux (comme l’imposition étalée sur cinq ans) mais sera à l’avenir imposé comme une vente, et à hauteur des réserves latentes. De plus, le paiement des dividendes de sociétés allemandes au profit Royaume-Uni sera soumis à une retenue à la source d’au moins cinq pourcent.
En raison de son taux d’impôt sur les sociétés de 19 %, la Grande-Bretagne fait office de « pays étranger à taux d’imposition faible ». Les revenus d’activités estimées comme non-productives (comparable à l’Art 238 A CGI ; voir la lettre d’information 1/2017) au Royaume-Uni seront soumis en plus à l’impôt en Allemagne, indépendamment de l’imposition locale. Les réglementations d’exception actuellement applicables dans le cadre de l’UE/EEE pour certaines transactions intragroupes ne seront plus applicables.
Il en est de même pour des restructurations transfrontalières (par ex. apports d’actifs d’entreprises ou de participations majoritaires, transfert de siège ou fusion au Royaume-Uni) qui ne seront plus fiscalement neutres. Ces procédures seront à l’avenir également considérées comme une sortie du bilan et impliqueront une imposition immédiate des réserves latentes. Cela peut conduire à une imposition rétroactive jusqu’à sept ans avant le Brexit, même si, lors de l’opération de restructuration de l’entreprise, la Grande-Bretagne était encore membre de l’UE.
D’éventuels avantages fiscaux en faveur des transmissions/successions d’entreprises, actuellement au cœur des débats politiques, ne seront pas applicables pour les actifs d’exploitations hérités qui font partie d’un établissement stable ou d’une filiale en Grande-Bretagne.
Finalement, le Brexit aura également des conséquences fiscales pour les personnes privées. Des ressortissants britanniques travaillant en Allemagne et dont la famille est restée au Royaume-Uni ne pourront ni choisir l’abattement pour couple (comparable au quotient familial), ni faire valoir fiscalement des paiements de pension alimentaire à un conjoint divorcé. D’autre part, une personne résidant au Royaume-Uni qui hérite de biens situés en Allemagne ne pourra pas bénéficier des exonérations d’impôts relativement importantes auxquelles a droit un contribuable allemand.
Il reste à voir si, dans le cadre des négociations du Brexit, certains avantages bilatéraux seront maintenus ou si certaines règles de sursis provisoire ou définitif d’imposition seront introduites. Il faudra suivre attentivement le débat afin de pouvoir intervenir dans la mesure du possible.
Transparence complète des investissements dans des sociétés et contrôle fiscal des comptes bancaires sans restrictions
Suite aux « Panama Papers », deux projets de loi ont été formulés, qui entre autre, étendent l’obligation de signaler un investissement transfrontalier, et créent un registre de transparence pour lesdits investissements.
Avec les « Panama Papers », les noms de nombreuses personnes ont été publiés en relation avec des sociétés « boîte aux lettres » servant à occulter le patrimoine, souvent liées à une fraude fiscale. Afin qu’à l’avenir ces sociétés soient connue par les autorités fiscales, le projet de loi de lutte contre l’évasion fiscale prévoit des obligations de déclaration des participations financières dans des pays tiers, c.à.d. dans des sociétés avec siège et direction effective en dehors de l’Union européenne et de l’Association de libre-échange (AELE).
Cette obligation de déclarer concerne une participation financière directe ou indirecte d’au moins 10 %, ou si le montant total du coût d’acquisition de toutes les parts à l’étranger excède € 150.000. Toute personne ayant son domicile, son lieu de résidence habituel, une direction ou un siège social en Allemagne est considérée comme résident fiscal, même si elle n’est pas considérée comme résidente en Allemagne selon une convention visant à éviter la double imposition. À partir de 2018, toute position dominante vis-à-vis d’une « société-tiers » devra être déclarée. Il suffit que le résident contrôle la société conjointement avec une personne proche, par exemple avec la société mère étrangère. En plus, les établissements de crédit doivent communiquer au fisc toute participation substantielle dans ces sociétés-tiers.
En cas de non-déclaration, une amende pouvant aller jusqu’à € 25.000 est possible. Par ailleurs, les documents en relation avec la société doivent être conservés pendant six ans. Jusqu’à présent, pour un acte de gestion normal, une dépense est seulement déductible si l’identité du bénéficiaire étranger n’est pas occulte, car on suppose une participation financière indirecte de résidents. Ces obligations de déclaration s’appliquent désormais également aux résidents qui ne perçoivent que des revenus de l’étranger. Le fisc peut redresser jusqu’à 13 ans si la société d’un pays tiers n’est pas (encore) connue par le centre des impôts du résident.
La fin du fameux secret bancaire permet au fisc de demander de collecter des données, par exemple de tous les comptes bancaires de particuliers avec paiement vers Singapour.
Parallèlement, le projet de mise en œuvre de la quatrième Directive prévoit un registre de transparence. Les bénéficiaires effectifs de sociétés doivent être inscrits dans ce registre dans la mesure où ceci n’est pas déjà consultable sous forme électronique dans un registre existant (par exemple, liste des associés dans le registre du commerce). Dès lors, ce registre concerne les cas de fiducie, car le fiduciant n’apparait pas dans la liste des associés. À la différence du registre du commerce, seuls les administrations, les banques et les notaires pourront y accéder sans restriction. Dans les autres cas il faudra prouver un « intérêt justifié ». Cependant, selon le projet, la loi ne permettra qu’une recherche à partir du nom d’une entreprise et non d’un bénéficiaire.
Sur demande, l’accès à des données non consultables autrement peut être limité si certains faits laissent supposer que cet accès exposerait le bénéficiaire à un risque d’infraction ou si ce dernier est mineur. Les clients devraient regrouper dès maintenant les informations pertinentes avec leurs conseillers, afin de déposer une telle demande.
Profits dus à un abandon de créance aux fins d’assainissement bientôt à nouveau exonérés
Un projet de loi facilite l’assainissement en franchise d’impôt pour remplacer le décret administratif rendu caduque par la Cour fédérale des Finances.
Sur la base du décret d’assainissement (« Sanierungserlass ») du 27.3.2003 le fisc pouvait renoncer aux impôts dus si des créanciers acceptaient d’abandonner leurs créances pour permettre un assainissement de l’entreprise. Un abandon par une tierce personne conduit en effet à un bénéfice au bilan, tout comme une renonciation d’associé à une créance sans valeur résiduelle. Le décret d’assainissement a été rejeté par la Cour fédérale des Finances, faute de base légale ; la décision a été publiée le 7.2.2017 (GrS 1/15).
Afin de ne pas avoir à réexaminer toute restructuration au cas par cas, au motif d’équité, il est prévu de codifier à nouveau l’exonération de gain dû à la restructuration. Pour veiller à ce qu’aucune aide d’État illégale/contraire au droit de l’Union Européenne ne soit présumée, les pertes fiscales reportables résiduelles sont supprimées.
Maintien du report des pertes fiscales en cas de changement d’associés
Les règles déjà complexes sur des reports déficitaires ont été élargies pour inclure une exception en cas de poursuite de l’activité.
Les pertes fiscales reportables sont déjà perdues selon l’art. 8c KStG si au cours d’une période de cinq ans plus de 50 % des parts sont cédées à un nouvel associé, en partie pour une cession entre 25 % et 50 % des parts. Des dérogations existent en cas de cession intragroupe et pour des entités avec des fonds propres positifs si la valeur de marché des biens excède la valeur nette comptable (réserves non comptabilisées).
Comme plusieurs procédures sont en cours devant la Cour constitutionnelle allemande pour juger si l’article 8c KStG n’est pas une clause d’abus de droit trop vaste, contraire à la constitution allemande, une autre exception dans l’art. 8d KStG a été instaurée à partir de 2016, et permet de conserver sur demande les pertes reportables, même avec un changement d’associés. Cependant, l’entreprise doit continuer l’activité exercée et n’a, entre autre, pas le droit de commencer en sus une autre activité, ou prendre part à une société de personnes.
En fin de compte, cette demande n’est utile que s’il est prévisible que la société pourra réaliser, sans aide externe, suffisamment de bénéfices à court terme, permettant d’utiliser entièrement les pertes reportables.
La réglementation des pertes reportables est guidée par une « paranoïa » du fisc allemand qui redoute un abus des règles pragmatiques pour une optimisation fiscale. Au contraire, c’est une règle comptable usuelle selon laquelle l’avantage fiscal des pertes reportées est évalué et comptabilisé comme un actif de la balance commerciale.
Nécessité d’une compensation en cas de clause de non-concurrence : limites d’une clause dite « de sauvegarde »
Une interdiction de concurrence post-contractuelle est nulle, si elle ne prévoit pas de droit à indemnité pour le salarié. Même une « clause de sauvegarde » dans le contrat ne peut rien y changer.
La Cour fédérale du travail (BAG) en a décidé ainsi par jugement du 22.3.2017 (réf. 10 AZR 448/15). Le contrat de travail de la demanderesse contenait une interdiction de concurrence pendant deux ans mais ne prévoyait pas de clause d’indemnité. Dans des « conditions annexes », le contrat comprenait une « clause de sauvegarde » typique, selon laquelle les conditions (non valables) du contrat pouvaient être remplacées par une règle se rapprochant le plus de ce que les parties auraient convenu si elles avaient eu connaissance de la non-validité.
À la fin de la relation de travail, la demanderesse a respecté la clause de non-concurrence et a réclamé ensuite pour la durée de l’interdiction de deux années une indemnité mensuelle d’environ € 600. Selon les juges, une clause de non-concurrence qui ne prévoit pas d’indemnité ne justifie ni droit, ni obligation. L’employeur ne peut pas exiger le respect de l’interdiction de concurrence, pas plus que le salarié ne peut la respecter « volontairement » et réclamer une compensation. Même une « clause de sauvegarde » dans les conditions générales n’y change rien – une « guérison » de la clause de non-concurrence non valable n’entre pas en ligne de compte.
Cette décision met une fois de plus en valeur combien il est important de définir précisément les clauses d’interdiction de non-concurrence post-contractuelles.
Un congé maladie ne s’oppose pas à une compensation des heures supplémentaires
L’employeur peut faire usage de son droit de direction pour imposer une compensation des heures supplémentaires en temps libre. À la différence du congé, ce droit à compensation n’est pas valable en cas de maladie du salarié.
Par décision du 19.11.2015 (réf.°5 Sa 342/15), le Tribunal régional du travail de Rhénanie-Palatinat (LAG Rheinland-Pfalz) a précisé cette différence entre un congé et une compensation en temps libre : Le demandeur avait accumulé 427 heures sur son compte de temps de travail. La défenderesse mit fin à la relation de travail et le libéra, avec effet immédiat, de son obligation de travail en tenant compte de l’avoir d’heures, ainsi que du nombre de jours de congé restant. Le demandeur est tombé malade peu de temps après. Avec sa demande, il fit valoir que la défenderesse n’était pas en droit de supprimer ses heures acquises pendant son congé maladie.
Le tribunal en a décidé autrement : La règle d’exception de l’art. 9 de la Loi fédérale allemande pour la réglementation des congés, selon laquelle les jours de maladie ne sont pas déductibles du nombre de jours de congé, n’est valable que pour les congés annuels. Les juges ont justifié leur décision par le fait que les jours libres accordés comme compensation – à la différence d’un congé de repos – n’ont pas pour but de permettre au salarié de se reposer mais uniquement de respecter son nombre d’heures de travail contractuel.
Dans la pratique, il est courant qu’un salarié tombe malade après avoir reçu son licenciement et être dispensé de ses obligations de travail ; d’où la signification de cette décision. La façon dont la clause de libération d’obligation de travail est formulée dans la lettre de licenciement est particulièrement importante – il est recommandé, dans tous les cas, de déterminer chronologiquement les droits au congé/à une compensation. Dans le cas typique où un salarié présente un arrêt maladie directement après son licenciement, il est en général avantageux de prendre d’abord en compte l’avoir d’heures accumulées car celles-ci ne sont pas récupérables en cas de maladie. Mais il n’existe pas de recette miracle, donc la formulation doit être adaptée au cas par cas.
Critique du projet d’amendement à la Loi fédérale de protection des données personnelles
Le Bundestag discute actuellement le projet de loi gouvernemental concernant la nouvelle version de la Loi fédérale de protection des données personnelles (BDSG). La loi assure l’adaptation du droit allemand au Règlement européen général sur la protection des données personnelles (RGPD), directement applicable dans les États membres de l’Union Européenne à partir du 25.5.2018.
Le but de ce Règlement est l’harmonisation du niveau de protection des données personnelles à l’échelle européenne. Selon le gouvernement fédéral, une adaptation et une révision de la règlementation allemande sont nécessaires car la loi contient de nombreuses clauses de flexibilité et des « tâches de réglementation » pour les législateurs nationaux.
Jusqu’à présent, la procédure législative s’avérait plutôt difficile : Les experts en protection des données critiquent le projet gouvernemental car trop complexe et incompréhensible, certaines règles iraient même à l’encontre du droit européen. Les objections concernent par ex. les limitations dans le projet des droits en question – les demandes de renseignements des personnes concernées, ou de radiation de leurs données personnelles, pourront à l’avenir non seulement être justifiées par les intérêts publics mais également sous certaines conditions par des « fins commerciales générales reconnues ».
En raison des vives critiques, on peut s’attendre à ce que le projet de loi soit encore modifié – le suspense reste donc entier.
Exigences strictes en matière de transparence concernant les déclarations de renonciation préformulées par l’employeur
Des clauses préformulées par l’employeur selon lesquelles le salarié renonce à certains droits ne sont valables que si les écarts à la convention collective sont clairement reconnaissables par le salarié. Autrement, elles ne sont pas conformes aux exigences strictes en matière de transparence applicables aux conditions générales de vente (AGB) (jugement de la Cour fédérale de travail du 15.12.2016 – 6 AZR 478/15).
Des activités plus élevées et mieux rémunérées ont été affectées provisoirement à une employée. En signant un formulaire préformulé de l’employeur, elle a exprimé son accord « pour la prise en compte de la classification et rémunération régulières avant l’exercice des fonctions les plus élevées en cas de fin de la relation de travail », concernant d’éventuels droits à des prestations selon la TV SozSich. À la suite d’un licenciement pour motif économique, la salariée fit valoir son droit à une allocation temporaire correspondant à la classification plus élevée de ses activités selon la convention collective en vigueur.
Le tribunal a reconnu le droit de la salariée à une allocation temporaire correspondant au groupe tarifaire plus élevé, même si les activités qui lui étaient attribuées n’étaient que temporaires. Selon la convention collective, la base de calcul à prendre en considération est celle correspondant à la dernière activité au moment du licenciement. La clause divergente n’est pas valable car, pour la salariée, elle n’avait qu’une valeur déclaratoire/d’information ne faisant pas apparaitre de façon claire les désavantages/préjudices par rapport à la convention collective. L’employeur aurait dû mieux mettre en valeur le caractère de renonciation.
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