Par le biais de cette Lettre d’information bilingue, nous souhaitons vous tenir informés de l’actualité juridique et scale allemande et française. Cette Lettre est rédigée par l’Équipe franco-allemande de GGV qui a pour vocation de conseiller les entreprises françaises et venant de pays francophones sur le marché allemand, et les entreprises allemandes et de pays germanophones sur le marché français.
Contenu
Actualités France
- Investissement immobilier via une société de personnes
- Sanction du défaut de fixation des objectifs du dirigeant
- Réforme du Code du Travail
- Sécurisation des conventions de forfait en jours
- La Cour de justice de l’Union européenne protège les consommateurs
- La réforme du droit des contrats est entrée en vigueur le 1.10.2016
- Compétence juridictionnelle et rupture de relations commerciales établies
- Réception tacite de l’ouvrage
Actualités Allemagne
- Des sûretés pour le donneur d’ordre d’un contrat d’entreprise
- Harmonisation au niveau européen de la protection des secrets d’affaires et informations commerciales confidentielles
- Deux arrêts de la CJUE ont sauvé la récupération de la TVA en amont
- Clauses de non-responsabilité lors de l’acquisition d’entreprise
- Affectation temporaire de fonctions supérieures
- Limitation dans le temps d’une augmentation considérable du temps de travail
- Notification d’absence et de présence par les membres du comité d’entreprise
- Des taux d’intérêts bas – ajustement des retraites professionnelles admissible
Actualités France
Investissement immobilier via une société de personnes
Le Conseil d’Etat subordonne l’application de la jurisprudence « Quemener », dans les dissolutions sans liquidation, à une double imposition effective.
La jurisprudence Quemener a pour but de prendre en compte les spécificités des sociétés de personnes et notamment leur régime fiscal : dans ce type de sociétés, le résultat est déterminé au niveau de chaque société, mais l’impôt correspondant est réglé par l’associé, quand bien même ce dernier n’aurait reçu aucune distribution de la société. La jurisprudence Quemener permet notamment en cas de cession des parts de sociétés de personnes d’augmenter le prix de revient des parts des sommes déjà taxées, pour que l’associé ne soit in fine imposé au titre de la cession que sur la part de la plus-value qui n’a jamais été taxée.
Le Conseil d’Etat a jugé le 6.7.2016 que les dispositions spécifiques de suppression de la double imposition (jurisprudence Quemener) applicable aux sociétés de personnes non soumises à l’IS n’étaient applicables dans le cas d’une transmission universelle de patrimoine qu’en cas de double imposition effective de la plus-value d’annulation des titres de la société de personnes.
Dans l’affaire en cause, un groupe avait investi dans des actifs immobiliers français via des sociétés de personnes de type SCI françaises. Le prix de revient des parts de SCI a été réévalué en franchise d’impôts par le biais de la convention franco-luxembourgeoise. Peu après, les SCI ont réévalué les actifs immobiliers qu’elles détenaient, ce qui a généré de l’impôt en France. Lorsque ces SCI ont été dissoutes, elles ont appliqué la jurisprudence « Quemener » pour supprimer l’imposition de cette réévaluation. Mais dès lors que le prix de revient des parts avait déjà été réévalué en franchise d’impôts, le profit de réévaluation, taxé une fois, a été pris en compte deux fois pour calculer le prix de revient des parts de SCI. Les associés des SCI ont ainsi généré une moins-value d’annulation des titres, imputable sur leurs futurs revenus. Le groupe a aussi réévalué ses actifs immobiliers en franchise d’impôts et augmenté la base future d’amortissements.
Après avoir tenté de faire qualifier cette opération d’abus de droit, l’administration a fait valoir que l’absence de double imposition effective empêchait la jurisprudence « Quemener » de s’appliquer et d’ajuster à la hausse le prix de revient des parts de SCI. Se fondant sur la doctrine de la jurisprudence « Quemener », le Conseil d’Etat a confirmé que cette jurisprudence ne trouvait à s’appliquer dans le cas d’une transmission universelle de patrimoine que si la plus-value d’annulation des titres des sociétés de personnes avait été imposée à deux reprises, ce qui n’était pas le cas ici du fait de l’absence d’imposition au Luxembourg.
La décision du Conseil d’Etat laisse pour l’instant incertaines les possibilités d’utilisation de la jurisprudence « Quemener » en cas de transmission universelle de patrimoine de parts de sociétés de personnes. Ceci implique de la part des contribuables une vigilance accrue en cas d’acquisition de parts de sociétés de personnes détenant des biens immobiliers en France.
Sanction du défaut de fixation des objectifs du dirigeant
Une société commet une faute lorsqu’ayant décidé d’octroyer une rémunération variable à son président, elle omet de fixer les objectifs nécessaires à la détermination de ladite rémunération.
La rémunération (fixe et, le cas échant, variable) des dirigeants de sociétés françaises est fixée soit par les associés dans les SARL ou les SAS ou par un organe collégial dans les SA.
Dans un arrêt du 26.5.2016, la Cour d’Appel de Paris a eu l’occasion de se prononcer sur les conséquences, pour la société, du défaut de fixation des objectifs dans une société anonyme avec conseil de surveillance. Sa décision est transposable dans toutes les autres formes de sociétés (SAS, SARL, SA à conseil d’administration…).
En l’espèce, le conseil de surveillance avait décidé que le président du directoire percevrait, en sus de sa rémunération fixe, une rémunération variable déterminée avant le 31 mars de chaque année et conditionnée à l’atteinte d’objectifs qualitatifs ou quantitatifs qui devaient être fixés par le conseil de surveillance.
Les objectifs n’avaient pas été définis dans les délais prévus, la personne en charge de la fixation de cette rémunération n’ayant pu trouver le temps d’en discuter avec le président du directoire. Ce dernier a par la suite été révoqué, de sorte qu’aucun objectif n’avait été défini.
Pour s’opposer au versement au président du directoire, de sa rémunération variable qu’il réclamait, la société a invoqué en particulier l’absence d’accord sur les objectifs.
La Cour d’Appel de Paris a considéré que l’absence de fixation des objectifs par le conseil de surveillance était fautive car elle revenait à priver le dirigeant de sa rémunération variable.
La société a été condamnée à verser la somme de € 50.000 à son ancien président, équivalente au prorata de la rémunération variable qu’il avait perçue pour la même période au cours de l’année précédente.
Pour éviter l’écueil de l’impossible accord sur le contenu des objectifs, il convient, dans la décision qui fixe le principe de la rémunération, ou le cas échéant dans le contrat de mandat, d’éviter de faire référence à des négociations avec le dirigeant et de prévoir que les objectifs peuvent être fixés (unilatéralement) par l’organe compétent. Il convient par ailleurs de prévoir qu’à défaut de fixation des objectifs, les objectifs de l’année précédente s’appliquent.
Réforme du Code du Travail
La Loi n°2016-1088, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite « Loi Travail » ou « Loi El Khomri ») a été publiée au Journal Officiel le 8.8.2016. Reprenant en grande partie les préconisations du rapport Combrexelle, elle refond en particulier le dialogue social en matière de durée du travail et de congés payés.
Seront ici mises en lumière quelques mesures phares de cette Loi, qui a vocation à renforcer le dialogue social dans les entreprises, de façon à adapter les règles en vigueur aux besoins des entreprises, tout en les sécurisant :
- Une nouvelle logique régit désormais le Code du Travail, qui doit être refondu sur la base du travail d’une commission d’expert, et qui comportera trois types de dispositions :
- Les dispositions impératives (d’ordre public), auxquelles il est impossible de déroger, et qui constituent des garanties minimales pour les salariés ;
- Les dispositions relevant du champ de la négociation collective : dans les domaines concernés (tels que la durée du travail), les accords d’entreprise auront la primauté ;
- Les dispositions supplétives, qui, dans ces matières, seront applicables à défaut d’accord.
- Les règles de négociation collective sont largement réformées : l’accord majoritaire devient la règle, le référendum des salariés est favorisé, la durée des accords est fixée à 5 ans par défaut, les accords sont publiés, incitation à la négociation par la suppression des avantages individuels acquis ;
- Quelques mesures concernent les représentants du personnel (et notamment l’augmentation du nombre d’heures de délégation des Délégués Syndicaux) ;
- La Loi permet en outre de sécuriser le dispositif du forfait annuel en jours lorsque les dispositions de l’accord collectif qui autorise le recours à ces forfaits sont insuffisantes (le droit à la déconnexion se trouve d’ailleurs consacré par cette Loi qui en fait un thème obligatoire de négociation) ;
- Les obligations de l’employeur dans le cadre de la procédure de licenciement pour inaptitude ont été allégées ;
- Le licenciement pour motif économique a été redéfini.
Certaines de ces mesures sont entrées en vigueur immédiatement. Pour d’autres, leur entrée en vigueur est différée ou subordonnée à la parution d’un décret d’application.
Sécurisation des conventions de forfait en jours
La Loi du 8.8.2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et la sécurisation des parcours professionnels (« Loi Travail » ou « Loi El Khomri ») permet aux employeurs de sécuriser les conventions de forfait en jours en cas d’absence de dispositions conventionnelles assurant la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis à un tel forfait, sans devoir conclure un accord d’entreprise.
Selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, une convention de forfait en jours ne pouvait être valablement conclue que si l’accord collectif le prévoyant comportait des dispositions garantissant le respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires. A défaut, la convention conclue était nulle et l’employeur pouvait être condamné au paiement d’heures supplémentaires sur la base d’une durée de travail de 35 heures par semaine.
Jusqu’à la Loi Travail, l’employeur ne pouvait pallier aux lacunes de l’accord de branche que par la conclusion d’un accord d’entreprise prévoyant des dispositions conformes aux exigences de la Cour de Cassation, pour sécuriser les conventions de forfait existant au sein de son entreprise.
Désormais, l’employeur peut convenir et poursuivre les conventions de forfait en jours, conclues sur la base d’un accord collectif insuffisant au regard des garanties de respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires, à la condition de respecter les nouvelles règles suivantes, fixées par l’article L.3121-25 du Code du Travail :
- « l’employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
- l’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
- L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération. »
Les entreprises concernées ont donc tout intérêt à mettre rapidement en place les mesures nécessaires pour le respect de ces règles, afin de réduire les risques liés à la validité de leurs conventions de forfait en jours pour l’avenir.
La Loi Travail a par ailleurs créé un droit à la déconnexion au bénéfice des salariés soumis à un forfait en jours ou en heures afin d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A compter du 1.1.2017, l’employeur doit, à défaut d’accord collectif le prévoyant, définir les modalités de l’exercice du droit à la déconnexion de ses salariés.
La Cour de Justice de l’Union Européenne protège les consommateurs
La loi applicable aux conditions générales d’un site de e-commerce peut être la loi du consommateur et non pas celle du lieu du siège social du e-commerçant.
Pour les besoins de ses activités de vente par correspondance en Europe, Amazon a établi une filiale au Luxembourg, Amazon EU Sàrl. Cette société opère notamment à partir du site Internet marchand « Amazon.de ».
Ce site internet en « .de » dirige ses activités vers la clientèle située en Allemagne et en Autriche. Jusqu’en 2012, les conditions générales de vente stipulaient que la loi applicable aux contrats conclus entre Amazon EU Sàrl et les consommateurs était la loi luxembourgeoise, loi du lieu du siège social de cette société.
Sur question préjudicielle, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a décidé qu’une telle clause étant insérée dans un contrat d’adhésion, n’ayant pas fait l’objet de négociations, pouvait être considérée comme une clause abusive si elle induit le consommateur en erreur en lui donnant l’impression que seule la loi du lieu du siège social est applicable. Une clause peut être abusive si sa rédaction n’est pas claire et compréhensible, sachant qu’on considère qu’un consommateur est en position d’infériorité par rapport à un professionnel. Il appartiendra à la juridiction saisie au fond de le déterminer.
Dans le même sens, suivant en cela les principes développés dans l’arrêt Weltimmo l’an dernier, la CJUE considère que les données personnelles des consommateurs doivent être gérées selon le droit de l’Etat membre vers lequel une société dirige ses activités, lorsqu’il peut être considéré que cette société y dispose d’un établissement stable. En ce qui concerne Amazon.de, il appartiendra également de déterminer si la société dispose d’un établissement stable en Allemagne.
La Cour rappelle ainsi qu’une société de e-commerce doit prendre en compte les droits des Etats-membres des consommateurs auxquels elle s’adresse.
La réforme du droit des contrats est entrée en vigueur le 1.10.2016
Par une ordonnance n°2016-131 du 10.2.2016, le Gouvernement a procédé à une réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
La réforme portée par l’ordonnance est la première réforme d’ensemble du droit des contrats depuis la naissance du Code civil. Elle permet, dans un objectif de justice contractuelle, d’assurer une meilleure accessibilité et efficacité des dispositions du Code civil dont l’interprétation a évolué depuis 1804 à raison d’une jurisprudence abondante.
Cette réforme est en partie à droit constant en consacrant la jurisprudence existante. Elle innove aussi en introduisant de nouvelles règles de droit, telles que la théorie de l’imprévision, le déséquilibre significatif et les actions interrogatoires.
Si le projet de loi de ratification de l’ordonnance a été déposé à l’Assemblée nationale le 6.7.2016, il n’a pas encore fait l’objet de débats parlementaires. Le texte de l’ordonnance entre donc en vigueur tel qu’il est actuellement rédigé avec la possibilité que le législateur y apporte, dans un futur proche ou lointain, des modifications à l’occasion d’une loi de ratification de l’ordonnance.
La réforme s’applique aux contrats conclus ou renouvelés, par opposition aux contrats prorogés, à compter du 1.10.2016.
Compétence juridictionnelle et rupture de relations commerciales établies
Un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 14.7.2016 apporte des précisions sur la compétence juridictionnelle au sein de l’Union Européenne en matière de rupture de relations commerciales établies.
Alors que la Cour de cassation française considère que la responsabilité liée à la rupture de relations commerciales établies fondée sur l’article L.442-6 du Code de commerce français est de nature délictuelle, la CJUE vient de préciser, à l’occasion d’une double question préjudicielle posée par la Cour d’appel de Paris, qu’une action indemnitaire fondée sur une telle rupture n’est pas de nature délictuelle mais contractuelle, s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite.
En l’espèce, une société française distribuait les produits d’une société italienne depuis environ 25 ans, toutefois sans contrat-cadre, ni exclusivité. A la suite de la rupture sans préavis de la relation commerciale à l’initiative de la société italienne, la société française a assigné cette dernière devant un tribunal français sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce. La société italienne a contesté la compétence de ce tribunal, estimant que le litige relevait de la matière contractuelle et que le tribunal compétent était celui de son siège social à Bologne puisque les marchandises étaient vendues ex-works.
La CJUE a d’abord rappelé que l’attribution de compétence juridictionnelle dans l’Union est fondée sur la règle de compétence générale de l’article 2, §1 du Règlement désignant le tribunal du domicile du défendeur et que les compétences spéciales prévues à l’article 5 §1 et 3 sont d’interprétation stricte. Elle rappelle également que les notions de matières « délictuelles » et « contractuelles », au sens du Règlement sur la compétence juridictionnelle, dit Bruxelles I, doivent être interprétées de manière autonome par rapport aux législations nationales, afin d’assurer une application uniforme du Règlement Bruxelles I.
Selon la CJUE, il appartient au juge national de vérifier s’il existait une relation contractuelle tacite entre les parties, dont l’existence peut se déduire d’un faisceau d’éléments concordants, tels que l’existence de relations commerciales établies de longue date, la bonne foi entre les parties, la régularité des transactions, les éventuels accords sur les prix et/ou sur les rabais accordés et la correspondance échangée.
Une seconde question était posée à la CJUE, celle de savoir si la relation commerciale établie devait être qualifiée de « vente de marchandises » ou de « contrat de fourniture de services », sachant que les règles de compétence se décomposent à l’article 5 §1b du Règlement Bruxelles I selon ces deux critères.
Selon la CJUE, la qualification dépend de l’obligation caractéristique du contrat. Lorsque la relation se limite à la simple livraison de marchandises depuis l’usine du fabricant, la première qualification sera retenue. En revanche, en présence d’un contrat de distribution avec participation active du distributeur à la diffusion des produits, transmission de savoir-faire ou autres avantages tels que facilités de paiement, la seconde qualification pourra être retenue.
Sauf à ce que la jurisprudence de la Cour de cassation évolue à la lumière de cette jurisprudence de la CJUE, on voit qu’il existe un risque de divergence de solutions selon que le litige est à échelle nationale ou européenne, d’où l’importance de bien vérifier la compétence juridictionnelle avant d’engager des poursuites sur le fondement d’une rupture brutale de relations commerciales établies.
Réception tacite de l’ouvrage
La réception est nécessaire pour déterminer les garanties et recours dont bénéficie le maître d’ouvrage. En principe expresse et formelle, elle peut-être tacite et résulter d’un faisceau d’indices.
En principe, la réception de l’ouvrage, le moment clé de l’opération de construction, est expresse et répond à un certain formalisme à respecter par le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre et l’ensemble des constructeurs présents aux opérations. Cette réception, réalisée contradictoirement, donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal de réception qui liste notamment les éventuelles réserves et leurs délais de levée.
Un arrêt de la Cour de cassation en date du 13.7.2016 rappelle toutefois que la réception peut être tacite. La Haute juridiction juge qu’en cas de prise de possession de l’ouvrage et de paiement de la quasi-totalité du marché par le maître d’ouvrage, celui-ci exprime une volonté non équivoque de réceptionner l’ouvrage, à défaut de preuve contraire.
En l’espèce, la Cour d’appel avait rejeté la réception tacite au motif que la preuve de la volonté non équivoque de réceptionner n’était pas rapportée. En inversant la perspective, la Cour de cassation considère que c’est la volonté non équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage qui devrait ici être démontrée, et valide la réception tacite.
Habituellement, les maîtres d’ouvrage recherchent une réception la plus tardive possible. Il peut toutefois arriver qu’une réception précoce leur fasse bénéficier d’un recours contre les assureurs du constructeur, ainsi en cas de liquidation de celui-ci et de l’impossibilité d’obtenir dédommagement au travers de la procédure collective, ce qui était le cas en l’espèce.
Actualités Allemagne
Des sûretés pour le donneur d’ordre d’un contrat d’entreprise
Lors de l’attribution d’importantes prestations d’ouvrage, le donneur d’ordre veut s’assurer régulièrement contre une éventuelle insolvabilité ou des performances insuffisantes pendant la durée du contrat d’entreprise et après. Par décision du 16.6.2016 – VII ZR 29/13, la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof – BGH) a précisé les limites de la sûreté autorisée.
Dans le cas présent, les conditions générales de vente du donneur d’ordre prévoyaient qu’il pouvait garder jusqu’à 15 % du prix total comme caution pour d’éventuelles réclamations. De plus, une caution de bonne exécution à hauteur de 5 % du montant brut du contrat était exigée.
Lorsque le preneur d’ordre a déposé son bilan et n’a pas pu finir le chantier, le donneur d’ordre a réclamé à la banque le montant de la caution livrée comme compensation du dommage subi. Celle-ci évoqua la nullité de la convention de sûreté passée entre le donneur et le preneur d’ordre.
Le BGH a estimé que le montant global à la charge du preneur d’ordre à hauteur de 20 % du prix de l’ouvrage convenu était trop élevé. Si les conditions générales de vente ne contiennent pas de réglementation spécifique justifiant une telle surprotection, celle-ci n’est pas valable dans le cadre des conditions générales de vente.
La convention de sûretés appropriées est d’autant plus importante qu’une réduction par voie juridique à un niveau acceptable n’est pas possible. La sûreté est alors entièrement supprimée.
Harmonisation au niveau européen de la protection des secrets d’affaires et informations commerciales confidentielles
D’ici mi-2018, les États membres de l’UE doivent transposer en droit national la Directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (Directive « Trade Secrets »). La Directive responsabilise les entreprises davantage que jusqu’à présent, si bien qu’il convient d’agir dès maintenant dans certains cas.
Dans une économie fondée de plus en plus sur la connaissance, il est essentiel pour des grands groupes tout comme pour des petites et moyennes entreprises (PME) de protéger leur confidentialité afin de rester compétitives. L’espionnage économique et le vol de données, ainsi que les différences de niveaux de protection au sein de l’UE, représentent une menace croissante et rendent difficile pour les entreprises de protéger leur savoir-faire dans leurs relations commerciales (transfrontalières).
Le législateur européen a reconnu ce fait et, avec la Directive Trade Secrets du 5.7.2016 (UE/2016/943), harmonisé pour la première fois les dispositions de protection des secrets/informations confidentielles. La protection juridique contre la violation de la confidentialité va ainsi être renforcée d’une façon globale. La Directive octroie aux détenteurs des secrets non seulement le droit d’exiger l’abstention, la suppression et des dommages-intérêts (comme le prescrit actuellement en Allemagne la loi contre la concurrence déloyale) au niveau de l’UE, mais elle règle aussi expressément d’autres recours possibles comme le rappel de produits fabriqués de façon illicite. Au-delà, la Directive prévoit pour la première fois des dispositions quant à la préservation des secrets d’affaires par les parties d’une procédure judiciaire.
Un autre élément important est la nouvelle définition du terme « secret d’affaires ». Selon la Directive, il comprend toute information confidentielle, ayant de ce fait une valeur commerciale et faisant l’objet de mesures appropriées de protection de la confidentialité. La Directive repose ainsi sur le principe de la propre responsabilité : la seule bonne volonté de préserver la confidentialité ne suffit pas, les entreprises doivent pouvoir prouver, en cas de litige, qu’elles ont bien mis en place les mesures nécessaires appropriées pour en assurer la protection. C’est pourquoi les entreprises devraient profiter du délai d’ici la transposition de cette Directive en droit allemand pour vérifier et, le cas échéant, adapter leurs procédures internes de protection de la confidentialité.
Deux arrêts de la CJUE ont sauvé la récupération de la TVA en amont
Le fisc est tenu de vérifier dorénavant la déduction de la TVA en amont de manière pragmatique et non purement formaliste.
Les entrepreneurs avec des revenus assujettis à la TVA peuvent déduire la TVA des factures comme TVA en amont. La déduction suppose cependant la réception d’une facture conforme qui inclut toutes les informations requises ; elle doit être aussi suffisamment détaillée et correcte. Pour ce qui est du formalisme, veuillez consulter notre lettre d’information 2/2016. Souvent, des erreurs dans les factures sont découvertes des années plus tard lors d’un contrôle fiscal et la déduction de la TVA déjà effectuée est refusée, ce qui donne lieu à des intérêts à payer.
Le 15.9.2016, la CJUE a rendu deux arrêts fondamentaux. Un entrepreneur conserve rétroactivement le droit de déduction, malgré une facture incorrecte, s’il peut fournir les données contestées par une facture corrigée ou en utilisant d’autres documents (C-518/14, Senatex). Les données déjà à la disposition des autorités fiscales ne peuvent pas être dissimulées par le fisc. Si, par exemple, l’émetteur et le destinataire ont le même centre des impôts, la TVA en amont reste déductible même si le numéro fiscal de l’émetteur manque sur la facture (C-516/14, « Barlis 06 »). L’administration fiscale n’a plus le droit, du moins dans le cas de la TVA, d’ignorer délibérément une information qu’elle connait.
Toutefois, la CJUE a explicitement autorisé la sanction des factures non réglementaires, ce qui n’existe pas en Allemagne jusqu’à présent. Il est donc probable que le législateur allemand prévoie à partir de 2017 des pénalités pour facture non réglementaire. Par conséquent, les entrepreneurs devraient continuer à contrôler le respect des conditions légales exigées lors de la facturation et de la comptabilisation des factures reçues.
Clauses de non-responsabilité lors de l’acquisition d’entreprise
Dans les contrats d’acquisition d’entreprise, la violation des obligations d’information précontractuelles fait souvent l’objet de discussion. Les vendeurs se protègent en général contre d’éventuels droit à dommages et intérêts par des clauses de non-responsabilité qui excluent toute responsabilité sauf en cas de faute intentionnelle ou manœuvre frauduleuse.
Le Tribunal de grande instance de Düsseldorf (Oberlandesgericht – OLG) a décidé (par jugement du 16.6.2016 – I-6 20/15) d’un cas où la direction de l’entreprise vendeuse avait fait des fausses déclarations quant au contenu du bilan que l’associé vendeur avait présenté à l’acheteur dans le cadre d’une Due Diligence. Le vendeur a été tenu responsable de ces fausses informations par la direction, car il est également responsable envers l’acheteur des comportements frauduleux intentionnels d’un représentant – dans le cas présent, un membre de sa propre direction. Il n’a donc pas pu invoquer la clause contractuelle de non-responsabilité, qui exclue toute responsabilité sauf en cas de faute intentionnelle ou manœuvre frauduleuse découlant de son propre comportement. L’usage des informations erronées est qualifié comme étant fondamentalement un « comportement propre » au vendeur et n’entre pas dans la clause de non-responsabilité ainsi formulée. Le tribunal a refusé une autre interprétation de la clause en faveur du vendeur.
Afin d’éviter de telles hypothèses d’imputabilité, les vendeurs devraient préciser des clauses de non-responsabilité de manière que celles-ci incluent également un comportement négligent et intentionnel de leurs représentants.
Affectation temporaire de fonctions supérieures
Un employeur peut affecter provisoirement des fonctions supérieures à l’essai, par exemple en vue d’une éventuelle promotion.
Une affectation provisoire de fonctions supérieures pour tester un employé ne doit en général pas dépasser six mois. Des conventions collectives peuvent prévoir des délais plus courts pour certaines activités. La jurisprudence les applique régulièrement. Particulièrement dans le commerce, il faut faire attention à de tels délais plus courts.
Dans le cas d’une vendeuse ayant été placée en caisse pour trois mois d’abord, puis prolongée à nouveau de trois mois, la Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht – BAG) a récemment décidé (arrêt du 24.2.2016 – 7 AZR 253/14) que cela n’était pas justifié car la période d’essai régulière était de trois mois.
La question de la légitimité de telles promotions temporaires se pose également dans d’autres secteurs. Selon la jurisprudence, chaque cas est à vérifier individuellement, que ce soit le motif d’une limitation dans le temps des périodes d’essais ou encore des remplacements. Il est conseillé de toujours convenir par écrit de telles promotions limitées, et ce avant le début de l’activité, même si la forme écrite n’est pas une condition de validité – contrairement à la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée (BAG NZA 2015, 811 n° 52).
En principe, le droit de l’employeur de confier provisoirement des fonctions supérieures à un employé n’est pas limité dans le temps. Toutefois, la jurisprudence voit de trop longues durées déterminées d’un œil critique. Une simple incertitude quant à la durée de la nécessité de l’activité requise n’est en règle générale pas suffisante (voir BAG, arrêt du 27.1.2016 – 4 AZR 468/14). Dans de tels cas, l’employeur doit justifier dès le début les raisons pour lesquelles une affectation durable des fonctions supérieures à l’employé n’est pas envisageable.
Limitation dans le temps d’une augmentation considérable du temps de travail
Une augmentation du temps de travail limitée dans le temps n’est en général pas possible si elle dépasse 25 % du temps de travail initial.
Dans notre édition d’avril 2016 (page 10 et suiv.), nous avions évoqué la possibilité d’affecter provisoirement des activités plus élevées. Récemment, la Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht – BAG) a décidé (jugement du 23.3.2016 – AZR 829/13) sur le cas de l’augmentation provisoire du temps de travail d’un professeur. Tout au moins quand l’augmentation du temps de travail est considérable, la Cour estime que la limitation dans le temps n’est pas valable. En outre, il faut évaluer au cas par cas si la limitation est acceptable pour le salarié. La Cour prend alors en considération si d’autres augmentations du temps de travail ont déjà été convenues dans le passé. Comme pour l’affectation provisoire d’activités plus élevées, l’intérêt de l’employeur de maintenir la flexibilité du contrat de travail et d’éviter ainsi l’occupation du poste par d’autres salariés ne suffit pas pour une limitation valable dans le temps.
Le contrôle de la limitation dans le temps est également régi par les dispositions relatives aux conditions générales dans des contrats de travail. En pratique, l’employeur peut atteindre plus de flexibilité par le biais de conventions individuelles ou conventions d’entreprises.
Notification d’absence et de présence par les membres du comité d’entreprise
Les membres du comité d’entreprise doivent déclarer leur départ/leur retour auprès de la direction pour l’accomplissement d’activités relevant du comité d’entreprise durant le temps de travail.
Cela est valable en particulier pour les mem¬bres du comité d’entreprise non exemptés de leur obligation de travail pour permettre à l’employeur une meilleure répartition du travail et afin de compenser la perte de travail de l’employé. Ce principe ne s’applique cependant pas dans les cas où il n’y a pas lieu d’intervenir dans l’organisation du travail si, par exemple, les tâches peuvent être effectuées à partir du poste de travail. Dans ces cas, il suffit que le membre du comité d’entreprise informe ultérieurement l’employeur de la durée de ses activités pour le comité d’entreprise.
Pour les membres dispensés de leur obligation de travail, ces obligations sont également valables s’ils doivent quitter l’entreprise, pour aller voir leur avocat par exemple. La dispense n’est pourtant valable que pour les activités réalisées au sein de l’entreprise (BAG, arrêt du 24.2.2016 – 7 ABR 20/14).
Des taux d’intérêts bas – ajustement des retraites professionnelles admissible ?
Le persistant bas niveau des taux d’intérêt pose des problèmes aux entreprises pour la retraite professionnelle, car elles ne peuvent que rarement réaliser les prestations garanties. Il se pose alors la question des possibilités d’adaptation.
Dans un article récent, le journal allemand « Frankfurter Allgemeine Zeitung » informait que les entreprises du DAX30 avaient dû en partie augmenter leurs provisions pour retraites de plus de 50 % par rapport à 2015 (FAZ n° 240 du 14.10.2016, p. 22). Dans ce contexte, la question se pose si une adaptation des promesses de retraite, à savoir une diminution du taux de garantie, s’avère possible. Des changements désavantageux ne sont fondamentalement autorisés que dans d’étroites limites. Une intervention sur les montants partiels déjà acquis et les prestations en cours est quasiment impossible. À l’avenir, une adaptation des montants pas encore acquis peut être envisagée en s’appuyant notamment sur la théorie de l’imprévision. Si des modifications imprévisibles de la situation juridique interviennent et engendrent des charges supplémentaires intolérables pour l’employeur, notamment si le montant des frais initialement prévu pour assurer les promesses de retraite augmente de façon considérable, on constate alors un déséquilibre significatif qui autorise l’employeur à prendre des mesures d’adaptation nécessaires.
Le persistant bas niveau des taux d’intérêt peut justifier une telle adaptation. D’une part, l’abaissement des taux d’intérêt n’était pas prévisible et, d’autre part, l’obtention d’un intérêt minimum est absolument nécessaire pour l’employeur afin d’assurer le financement des promesses de retraite – particulièrement pour celles dont le montant est lié au taux d’intérêt.
Toutefois, la charge supplémentaire de l’employeur due à l’abaissement du taux d’intérêt doit être lourde. L’employeur doit supporter une charge supplémentaire jusqu’à un certain « seuil de tolérance ». Selon la jurisprudence, une adaptation du montant des prestations au vu de la baisse des taux d’intérêt n’est en général légale que si le montant de financement initialement prévu augmente de plus de 50 %.
GGV vous informe sur GGV
Me Steffen Paulmann (bureau de Francfort) a été récemment inscrit au Tableau du Barreau de Paris en tant qu’Avocat à la Cour.
Me Steffen Paulmann, Me Matthias Krämer (tous deux du bureau Francfort) et Me Thomas Jahn (bureau Paris) ont récemment publié en langue française un article paru dans le magazine Fusions & Acquisitions sur le thème : « Les pièges de la restructuration post-acquisition ». Nous vous en enverrons volontiers un exemplaire sur demande.
L’Equipe Franco-Allemande de GGV